5e poème d’Els Moors en tant que Poète nationale

Ruisbrousse. Un manuel pour la Forêt de Soignes est un projet développé par le Poète National, Poëziecentrum et Projet Horizon+. La Poète Nationale Els Moors, accompagnée de l’écrivain et musicien Dirk Elst, se sont immergés dans la Forêt de Soignes. Leurs expériences et enregistrements sonores ont constitué la source d’inspiration des poèmes d’Els. Le manuel fournit des informations sur les projets développés par Horizon+ telles que les portes d’entrées ou les corridors naturels qui renforcent la forêt et les zones environnantes.

 

démesurément profonde

et haute outre mesure

et longue et large

 

je me sens comme

flottant au hasard dans l’ampleur

du vent

 

aspirée

vers un commencement

ne trouvant rien

 

qui n’ait déjà

ailleurs voulu naître

à la vie

 

fracassée par

une pure lumière

aveugle

 

je suis

sans image

reposant

 

dans tout ce qui

indivisible coule

de par le monde

 

L’union que l’homme spirituel sent avec Dieu, lorsque celle-ci se révèle à l’esprit comme étant sans fond, est profonde, haute, longue et large, et tout cela sans mesure. Dans cette révélation, l’esprit se rend compte que, grâce à l’amour, il s’est immergé au-delà de lui-même, dans la profondeur, qu’il est passé au-delà de lui-même en hauteur, et qu’il s’est échappé à lui-même dans la longueur. Il se sent égaré dans la largeur, habitant une connaissance inconnue. Il se sent encore s’écoulant au-delà de lui-même dans l’unité, à travers le sentiment de l’union et de l’adhésion à Dieu, et à travers une mort totale qui le fait trépasser dans la vie vivante de Dieu, là où il sent qu’il est une seule vie avec lui.

De : La pierre brillante. Les sept clôtures. Le sept degrés de l’amour. Livre des éclaircissements,
p.58-59, Jan van Ruusbroec, ed. Abbaye de Bellefontaine, Bégrolles-en
Mauges, 1990, vert. Louf, A.

 

Ci-dessous vous pouvez lire la suite des poèmes d’Els Moors. La publication complète, Ruisbrouss. Un manuel pour la forêt de Soignes, est disponible ici.

Ici, vous pouvez écouter la pièce radiophonique de Dirk Elst et Els Moors. Vous pouvez lire la version anglaise du livre ici.

 

tandis que je me promenais

je déplaçais mon pas

je marchais en moi et avec moi

mon corps avançait

 

et tout ce que je savais ou disais

était prévu pour

être

dans cet être à moi

 

le soleil versait de la lumière

en cercles sur le sol

et les ombres de feuilles

y tissaient des motifs qui veillaient

 

tout éveillée je rêvais

mon enfance tant que je pouvais continuer

à devancer mon pas j’allais être la première

à moi qui arriverais

 

ce n’est qu’au moment où fatiguée

je me suis oubliée que j’ai découvert

la force la fragilité de ce qui

sans moi

 

s’était avancé


 

le soleil s’est posé dans le soleil

la lune est posée dans la lune

et chaque étoile bondissante efface comme  balai de sorcière les traces dans les lits

 

où ignorante je vais dormir

 

le monde bat une triste mesure saccadée

et fuit ce qui le bloque

montre en bâillant sa bouche séculaire

affamée de ce qui nous dévore

 

il n’est pas encore trop tard ! ce même vent

qui furieux chante à travers les arbres

libère d’un souffle le papillon pris de vertige

attise dans le feu de la solitude

 

mon propre lent battement d’aile

si bien que je reste à ses côtés

 


 

 

écoute chanter un

merle fatigué

résonner entre des arbres frêles

le bruit de métal

tonitruant

ce qui est vulnérable

c’est ce qui vibre

sur les cordes du

premier instrument

je ne sais ce que c’est

mais tous mes rêves les plus fous

au son de cette unique mélodie

 

se laissent apprivoiser

 


 

je cherche un silence qui soit lent

complexe comme l’habitat

de la poule d’eau du héron

du poisson et du canard et sur une

rive les dernières couleurs

qui s’enflamment le soir

parmi les ombres

 

le mauve et jaune

d’été des plus hautes

fleurs le rouge vénéneux

de l’arum

flétri de-ci de-là

éparpillé le long du sentier

 

personne qui n’ait rien

à chercher ici

si je pouvais désentendre

mes traces

si je pouvais rendre plus tendre

cette attente

 

je pourrais ne pas voir

ce que j’écris

 


 

devant les eaux agitées du carwash

le danseur du signe sinistre

une bouche pleine de fringale

attend

 

le big bang

 

quand une tortue à l’agonie

fend l’espace aérien

un papillon vole dans un vent bienfaisant

attisé par des larmes

 

lève tout ce qui est pâle

les talons blancs

en vain la liberté scandée

par un homme

 

d’une colombe qui roucoule

les maraudeurs de miel

aux lèvres

de fleurs redevenues sauvages

 

les joues pleines

le gain

brandit sous peu

 

le grand attrape-papier

jette le soleil au soleil

la lune à la lune

 

et le dernier homme

à la dernière

étoile qui bondit

 

Traduction: Pierre Geron, Katelijne De vuyst, Bart Vonck & Danielle Losman du Collectif des Traducteurs bruxellois

Avec le soutien de la Loterie Nationale et de ses joueurs.