« ANCÊTRES »

Dis-moi,
il y a un mort auquel tu penses parfois ?
il te visite ?
tu lui parles de temps en temps ?
connais-tu le nom de tes ancêtres ?
tu te sens relié à tes ancêtres ?
y a-t-il un disparu qui t’habite tout particulièrement ?
une partie de toi a disparu avec lui ?
tu le déterres parfois ?
tu lui chantes une chanson ?
tu pries ?
tu le remercies ?
tu le pares de ses plus beaux habits ?
que lui sacrifies-tu ?
est-ce que tu lui élèves un petit autel ?
que déposes-tu sur l’autel ?
où se trouve l’autel ?
tu dépoussières une photo ?
tu cherches un cadre pour l’encadrer ?
est-ce que vous vous parlez dans les rêves ?
inventes-tu une cérémonie particulière pour honorer son temps de vie ?
qu’est-ce qui t’aide à vivre avec l’absence du vivant que tu aimais ?
gardes-tu quelques objets de l’ancien vivant ?
où les gardes-tu ?
offres-tu tes larmes ?
qu’est-ce qui te fait rire quand tu penses à lui ?
cherches-tu à retrouver son odeur ?
penses-tu à lui un jour particulier de l’année ?
te retires-tu pour penser à lui ?
te rappelles-tu une phrase qu’il te disait ?
une phrase qui te donne de la force ?
qu’est-ce qui te donne de la force quand tu penses à lui ?
quel geste fais-tu pour le saluer ?
quel lieu choisis-tu pour lui parler ?
désires-tu parfois tout gommer tout effacer ?
parfois ça semble difficile d’avancer quand l’absence est à fleur de peau.
aimes-tu être solitaire pour le retrouver ou partages-tu ce moment avec d’autres ?

tu t’arrêtes et tu bois un verre d’eau, un verre de vin ? tu fumes une cigarette ?
tu lui écris une lettre que tu brûles au milieu d’une forêt ?
quel arbre lui ressemble ? l’entoures-tu de tes bras ?
tu déposes des pétales sur un chemin où tu marchais avec lui ?
tu gardes entre les pages d’un vieux livre les mots qu’il t’écrivait ?
tu guettes les nuages qui prennent la forme de son visage ?
tu ressens encore dans ton corps sa présence ?
entends-tu sa voix son rire en toi ?
tu marches à l’ombre ou au soleil ?
ouvres-tu ta fenêtre pour sentir l’air sur ta peau ?
restes-tu parfois longtemps couchée, immobile, tant l’absence est douloureuse ?
comment apprivoises-tu l’absence ?
est-ce que parfois le disparu te donne des ailes ?
chante la chanson
fais le geste
pense à l’objet
dresse l’autel
remercie et chéris le temps passé ensemble
silence
le vide n’est pas vide
nous le savons n’est-ce pas ?
tu crois toi que le vide est le champ de tous les possibles ?
aimer un mort c’est peut-être
l’art d’habiter le vide
inventer des gestes qui nous relient
nous les vivants
en gratitude
aimer d’un plein amour les proches qui nous entourent
mesurer l’inouï d’être au monde et la chaleur du vivant
aller par les chemins
regarder la samare de l’érable tournoyer dans les airs
prends le temps d’aimer le mort, c’est la vie que tu honores