Anne Versailles

 

Ce matin, j’ai changé l’eau des fleurs.

J’ai ouvert grand la fenêtre.

J’ai coupé le chauffage.

Dehors, le forsythia est en fleurs.

La corneille a presque fini son nid.

 

Ce matin, devant la fenêtre, je suis restée.

A regarder la rue.

A regarder la rue vide.

Seule la corneille…

Puis un avion est passé.

 

Cet après-midi.

Ce soir.

Demain.

C’est long.

Tu n’es pas là.

 

J’ai tant de choses encore à te dire.

T’ai-je parlé de la corneille ?

Des fleurs sur le balcon ?

De la couleur de ton blouson ?

Du rouge gorge de cet hiver ?

Et de cette gorgée de bière ?

De ce livre à peine ouvert ?

De ce film revu encore et encore ?

De cette nuit, de cette aurore ?

De cet ami retrouvé ?

Des pommes de terre que j’ai semées ?

De ces chaussures que j’ai vues ?

De cette dame croisée en rue ?

De ce pépin, de ce tracas ?

De cette bruine qui n’en finit pas ?

T’ai-je parlé de tout cela ?

J’ai tant de choses encore à te dire.

 

Cet après-midi.

Ce soir.

Demain.

C’est long.

Alors, viens.

Viens avec moi.

Nous irons marcher.

Nous irons par les chemins.

Ton bras à mon bras si léger.

Je te dirai

le ciel fardé pour te retrouver,

les arbres déçus de n’avoir pu te rencontrer,

ce chant écrit pour toi par tous les oiseaux du quartier,

la tendresse lue sur les lèvres des amis éloignés,

l’étreinte de nos mains empêchées,

le vent qui ne parle que de toi,

l’absence qui déjà creuse son terrier.

Je te dirai tes bras et tu me serreras.

Esta mañana, les cambié el agua a las flores.

Abrí la ventana de par en par.

Apagué la calefacción.

Afuera, la forsitia está en flor.

La corneja casi ha terminado su nido.

 

Esta mañana, frente a la ventana, me detuve.

A mirar la calle.

A mirar la calle vacía.

Solo la corneja…

Luego pasó un avión.

 

Esta tarde.

Esta noche.

Mañana.

Se hace largo.

Tú no estás.

 

Tengo aún tantas cosas que decirte.

¿Te hablé de la corneja?

¿De las flores en el balcón?

¿Del color de tu cazadora?

¿Del petirrojo de este invierno?

¿Y de aquel trago de cerveza?

¿De ese libro casi sin abrir?

¿De esa película vista una y otra vez?

¿De aquella noche, de aquella aurora?

¿De aquel amigo recuperado?

¿De las patatas que sembré?

¿De esos zapatos que vi?

¿De aquella mujer que me crucé por la calle?

¿De aquel lío, de aquella preocupación?

¿De este calabobos que no se acaba nunca?

¿Te hablé de todo esto?

Tengo aún tantas cosas que decirte.

 

Esta tarde.

Esta noche.

Mañana.

Se hace largo.

Así que ven.

Ven conmigo.

Saldremos a caminar.

Saldremos a los caminos.

Tu brazo prendido de mi brazo, liviano.

Te hablaré

del cielo arrebolado para encontrarte,

de los árboles chafados por no haberte encontrado,

de este canto escrito para ti por todas las aves del barrio,

de la ternura leída en los labios de los amigos lejanos,

del apretón de nuestras manos frustradas,

del viento que habla solo de ti,

de la ausencia que cava ya su madriguera.

Te hablaré de tus brazos y tú me abrazarás.

 

Traducido por Regina López Muñoz