Les premiers mots de Carl Norac en tant que Poète National

Je vous adresse tout d’abord quelques mots en néerlandais, une langue que je suis en train d’apprendre plus profondément. Je la comprends, je la parle mal. Être Dichter des Vaderlands, ce sera un voyage profond dans la Belgique telle qu’elle est, telle qu’on voudrait qu’elle soit davantage. Ce sera pour moi aussi un voyage passionnant dans une langue. Cet amour de la Flandre que j’ai toujours eu, cette envie d’échanges, de voyages au cœur des mots, je vais pouvoir les dire de plus en plus. Ce sera un des bonheurs des deux ans qui viennent.)

Quelle étrange idée qu’un Poète National, n’est-ce pas ? me demande-t-on parfois. Se promène-t-il avec une couronne de fleurs sur la tête ? Est-il un confident du pouvoir ou de quelque société secrète de l’esprit ? Je réponds que l’importance n’est pas ce titre, mais ce qu’on peut espérer en faire avec conviction, humilité. Je suis impressionné par l’action et les poèmes de Charles Ducal, Laurence Vielle, Els Moors, ainsi que par l’ensemble des partenaires que je remercie de tout cœur et qui font que ce projet est aujourd’hui une réalité en mouvement, le mouvement de la poésie.

 

Le fait d’arpenter depuis si longtemps théâtres, festivals, écoles, prisons, bibliothèques et divers lieux de vie pour parler de poésie m’a toujours fait penser que cet art, plus que jamais, est là pour bousculer les consciences, pour faire parler l’ailleurs et l’ici d’une même voix.

 

Aujourd’hui, un fourmillement de rencontres existe, des traducteurs et des éditeurs travaillent à faire se partager les grands poètes mais surtout les nouvelles voix. Le premier poète national, le flamand Charles Ducal a en posé les fondements avec un engagement affirmé, une liberté sans équivoque. Après lui, Laurence Vielle a arpenté jour après jour tous les chemins avec sa lumière naturelle, sa fougue, son combat, sa voix et sa langue si belle qui emportent. Ensuite, Els Moors a apporté ses paysages, son originalité, sa détermination, son regard unique qui va de voyages intérieurs à des réalités tangibles, comme le climat ou l’ouverture à l’autre, dans sa langue.

 

Moi-même, je n’ai jamais accepté cette frontière invisible, mais tellement tangible, qui nous sépare.

J’aime profondément la Flandre. Au début des années 90, j’ai commencé par la visiter ville par ville, paysage après paysage. Invité à des festivals par Poëziecentrum puis dans le cadre de Saint-Amour, j’ai pu lire mes poèmes un peu partout, connaître Herman de Coninck, Leonard Nolens, Stefan Hertmans et développer une correspondance puis de nombreuses rencontres, dont certaines à Mons, avec Hugo Claus qui est, avec Henri Michaux, le poète qui m’a le plus influencé. Et mon guide par son audace. Je suis parti aussi à la rencontre d’artistes, Carll Cneut, Ingrid Godon, Gerda Dendooven, avec le bonheur par nos livres communs de mieux les faire connaître en Belgique francophone et en France. J’ai eu énormément de chance pour un poète « de l’autre côté » d’être traduit par Ernst Van Altena, Bart Moeyaert, Edward Van de Vendel, Michaël de Cock, Katelijne de Vuyst pour Poëziecentrum, Querido, Lannoo, De eenhoorn. Si je donne ces éléments, c’est seulement pour signifier à quel point cette idée maîtresse du projet Poète National d’aider à mieux se connaître entre poètes des trois langues nationales est primordiale à mes yeux.

 

La vocation de Poète National est que les poèmes paraissent dans la presse, comme la chance d’un autre regard. Els Moors a dit qu’il fallait que les poèmes sortent aussi des livres. Il faut ensemble rechercher ce partage. Il sera aidé par un regain indéniable pour la poésie, que ce soit dans les théâtres, en librairie, en édition. Ce regain, je ne le rêve pas, je le vois partout où je vais. L’urgence poétique, beaucoup de gens la ressentent, et bien au-delà de nos cercles littéraires. Il va falloir entendre ce mouvement qui vient de loin, en cette période d’incertitude, y compris parfois des idées. En ces temps d’incendie émerge naturellement que la poésie redevient nécessaire. De tous temps, elle a parlé de pont à ceux qui aimaient trop les murs. De tous temps, elle a dit des vérités dangereuses, protégée ou pas derrière la métaphore.

La poésie, souvent brève, en sa collection d’instants, peut se glisser dans les transports en commun ou être chuchotée à l’oreille dans les rues par des comédiens. Et bien sûr, ce qui est essentiel, être publiée dans la presse, pour donner un autre écho. Je suis émerveillé par le travail accompli dans le cadre de Poète National /Dichter des Vaderlands et je veux être digne de ce qu’ont entrepris les trois autres poètes. Tant de pistes à suivre, à inventer, ainsi cette envie absolue qui me guide toujours de confronter la poésie aux autres arts, en particulier pour ma part à la danse, ce poème visible.  En ces temps troublés où la mémoire de l’histoire semble vaciller, la poésie demeure cette matière mouvante, parfois fuyante, mais persistante, une de celles qui tente d’empêcher que la nuit pénètre dans le cœur des hommes.

 

Lorsque Laurence Vielle était Poétesse Nationale et qu’elle cherchait le centre poétique de la Belgique, je lui avais conseillé de prendre une chaise et d’aller s’asseoir sur la plage d’Ostende. Prémonition : je vis devant la mer, à Ostende, un rêve d’enfant réalisé, qui ne s’était jamais ensablé. J’y suis un aangespoelde. On appelle ainsi ceux qui ne sont pas nés ici, qui sont donc selon l’expression arrivés « avec la dernière marée ». Me voilà debout à Ostende, avec bonheur, et je n’ai jamais dans une ville, je le signale loin des clichés, été aussi bien accueilli. Quand on compare deux régions, comme deux personnes ou deux paysages, il convient de dire ce qui les distingue, aussi ce qui les rapprochent. Cela s’appelle l’honnêteté intellectuelle.

 

Mon amie Laurence Vielle étant bruxelloise, me voici donc le premier wallon pour cette distinction. Aussi d’ailleurs le premier à s’être fait connaître notamment par une poésie s’adressant aux enfants, là sans doute fait unique dans les nombreux pays qui ont leur poète national. La Wallonie, je la connais à fond : étant né à Mons, ayant vécu à Liège, travaillé dans la région Centre et un peu partout. J’aime bien mon Hainaut aussi, ces hauts pays frontaliers de la Flandre. Une Wallonie que je n’ai jamais cherché à relier par une unicité, tant du temps où j’habitais à Liège, pour un liégeois, un mouscronnois semblait aussi inconnu qu’un inuit. Pour la Flandre, j’attends de me prononcer, mais je souviens d’une matinée où j’avais à mes côtés dans ma voiture, d’Anvers à Mons, un Hugo Claus très enjoué : lui qui adorait (je le cite « le bordel belge » et la belle adrénaline qu’il provoque ) , il s’amusa à m’expliquer à quel point les gens des villes où il avait vécu étaient différentes, finissant avec admiration par Anvers qu’il aimait, m’avait-il précisé, parce « même ici, un clochard a l’air d’un seigneur ».

 

On dit que nous sommes un pays jeune, de 1830, comme si nous étions arrivés à cette date sans nous parler avant.  Si on ne considère que mon coin du Hainaut, un grand peintre tournaisien Roger de la Pasture se fit ensuite appeler Rogier Van der Weyden. Cette frontière entre nos arts ne semblait pas comme aujourd’hui exister.   Quand il fallut célébrer à Mons l’anniversaire de la mort d’un immense compositeur Roland de Lassus, qui lui se fit nommer ensuite à l’italienne Orlando di Lasso, on me demanda d’écrire une pièce sur lui, je me suis inspiré de sa correspondance. C’est là que comme beaucoup d’esprits de la Renaissance, il mélangeait sur la même page langues latines et germaniques, sans aucune frontière linguistique. Si nous retournions simplement à l’essence de ces échanges ?

 

À ce propos, un des premiers projets que je soumettrai, en avril 2021, sera un tour de Belgique d’un mois par les canaux, en péniche. Y monteront, de semaine en semaine, des poètes des différentes communautés, sachant qu’aller les un(e)s vers les autres demande du temps, avec cette volupté de la lenteur qu’offre la navigation sur les canaux ou les fleuves (un thème important dans la poésie belge toute entière). Faire se croiser aussi la plus jeune génération de poètes, celle qui est en mouvement, qui veut changer nos codes, nos conforts d’écriture, nos habitudes. Notre itinéraire fera aussi se rejoindre nos maisons de la Poésie, de Namur à Gand, d’Anvers à Amay et bien au-delà, grâce à la collaboration de la merveilleuse aventure littéraire de l’équipe de Caranusca. Nous irons sur nos fleuves, et nous passerons aussi la frontière linguistique par la Dendre, saluant d’ailleurs la Vallée de la Dendre, communauté de communes qui donne l’exemple de monter des projets au-delà de la prétendue barrière de la langue. Ce voyage portera le nom suivant : « Les passerelles belges ».

 

En tant que poète qui écrit aussi très souvent pour les enfants, j’espère pouvoir atteindre cette ambition de motiver un très nombre d’écoles des trois régions autour des mêmes projets. Je dis aux enfants autant qu’aux adultes que nous vivons dans un monde qui nécessite une urgence poétique au même titre qu’une urgence écologique ou humaniste. Les enfants et les adolescents que je rencontre aiment la poésie et y voient souvent, plus que de belles images, une façon de changer le monde. Un adolescent nommé Rimbaud écrivait qu’elle sera toujours « en avant ».

 

Le rôle toujours décrit de Poète National / Dichter des Vaderlands est également d’être ambassadeur de la poésie belge, en Belgique, mais aussi à l’étranger. C’est pourquoi je suis allé à la rencontre de Sophie Naulleau, de l’équipe fantastique du Printemps des Poètes qui reste un exemple international de réussite d’une promotion profonde, novatrice de la poésie. Premier fait concret d’un partage : après le poète marocain Abdellatif Lâabi en 2018 et la québécoise Hélène Dorion en 2019, c’est moi, en tant que poète national belge, qui ait été nommé parrain d’Ecole en Poésie, la grande action menée par le Printemps des Poètes et l’Occe (Office central de la coopération à l’école). J’ai rencontré déjà en Normandie des groupes d’enseignants venus de toute la France et qui vont relayer l’action dans leurs régions. Il sera symbolique que ma première intervention de Poète National se passe après-demain près d’Orléans, pas loin de l’école du Loiret qui porte mon nom : ils ont eu l’idée de faire se rencontrer dans un théâtre le Poète National belge et à défaut d’équivalent en France, le Goncourt de la poésie, Yvon Le Men. Autre mission, dès février : le Maroc. En prélude à la Foire du Livre de Bruxelles qui invite ce pays cette année, et où je lirai avec la comédienne Maya Racha mon livre paru en français et arabe, et nous serons présents pour la même lecture à la Nuit de la Poésie de Casablanca. J’irai bien évidemment parler de poésie dans les écoles belges du pays. Un prélude au fantastique festival à Bruxelles en mars imaginé par Els Moors : Kalimafiesta, dont elle va vous parler aujourd’hui même. Juste après, je compléterai ce cycle par la Jordanie où, pour la première fois, je pourrai rejoindre dans le désert une école nomade, parler avec des enfants qui connaissent les chemins d’autres couleurs de paysage.

 

Comme mes prédécesseurs, j’essaierai de rassembler des poètes dans la diversité que le mot poésie implique. Exemple ce 5 mars à la Maison Folie à Mons, où treize slammeurs se sont inscrits à une soirée particulière : c’est moi qui leur confie des textes qu’on n’a probablement jamais slammés, de Rutebeuf à Michaux, d’Hugo Claus et Paul Snoek, de Liliane Wouters à Norge.

 

A Namur, un jardin un peu secret relie les deux pôles de culture essentiels : la Maison de la Poésie et le Musée Rops. Avec ces deux lieux, à leur initiative commune, il y aura en juin une exposition de bannière : « Rops, pas à pas: sur les chemins du poète ». Un cadeau immense qui m’est donné en ce lieu de dire mon amour de ce peintre libre. Je vais aller aussi, à Saint-Amand, à la rencontre de Verhaeren en son musée. Je possède de lui un manuscrit inconnu, une réponse à un journaliste qui lui demandait ce que serait la poésie dans cent ans, c’est-à-dire aujourd’hui. Ces mots me serviront de guide : « L’homme est un fragment de l’architecture mondiale. Il a la conscience et l’intelligence de l’ensemble dont il fait partie (…) On vivra d’accord avec le présent, le plus près possible de l’avenir ; on écrira avec audace et non plus avec prudence ; on n’aura pas la peur de sa propre ivresse et de la rouge et bouillonnante poésie qui la traduira. Tels sont mes espoirs ».

 

A Stavelot, cette année, j’exposerai aussi mes vingt ans de recherches de documents inédits sur Apollinaire. Un autre rêve pour moi que d’exposer au Musée Apollinaire. Ce poète ne m’a plus quitté depuis qu’un poète de Flandre, Léonard Nolens, qui trouvait ma poésie encore trop difficile, m’a conseillé comme le fait un bon docteur « une cure d’Apollinaire ». Je suivis sa prescription.

 

Un autre cadeau me sera donné à Bruxelles, grâce aux Midis de la Poésie et je remercie ici Mélanie Godin qui y œuvre avec passion. En premier paraîtra aux Editions des Midis de la Poésie un essai intitulé : « La poésie pour adultes et enfants : le grand écart ? ». On sépare de manière très tranchée la poésie pour la jeunesse de celle publiée en littérature générale. Celui qui emprunte ces deux chemins à la fois est d’emblée défini comme « un poète aux deux visages ». Ce livre est un manifeste contre les tiroirs. Par essence, la poésie échappe à tout ce qui l’enferme. Pour la première fois depuis sa création, les Midis de la poésie vont aussi cet automne et cet hiver, chaque mois, me donner une carte blanche. Un programme encore secret, mais qui sera fort en rencontres et révélations.

 

Autre petit secret : une anthologie originale destinée à la jeunesse verra le jour chez un grand éditeur, où les collaborations seront croisées, afin que les poétesses et poètes de chaque communauté soient illustrés par l’imaginaire d’un(e) artiste de l’autre région.

 

Car oui, il y a aussi d’autres projets, en particulier en Flandre, certains déjà engagés, mais dont je ne peux encore vous parler, même si je brûle de le faire. Imaginons trois cents enfants de chez nous nous interrogeant sur l’identité en chantant ensemble sur une musique contemporaine, imaginons des personnalités que vous connaissez qui viendront vous lire ou dire un poème pour la première fois, en trois langues. Imaginez d’étranges siestes aussi où nous arrêterons notre course pour se suspendre à quelques mots. Imaginez un très grand festival en Flandre où un poète viendra chaque jour écrire un poème qui sera affiché le lendemain dans les rues et les parcs. Demeure la région germanophone, qui nous reste toujours un peu secrète. Le train qui va d’Ostende à Bruxelles toutes les heures continue ensuite vers Eupen, je compte bien aller au terminus bien souvent, d’abord (je suis en train de l’organiser) auprès des écoles qui connaissent mes livres parus en allemand, mais bien plus avant ensuite pour y rencontrer des poètes encore trop méconnus.

 

Quelques mots enfin pour vous parler de parutions, parce que celles-ci ne sont pas un hasard, mais aussi des actes en ce beau jour. Un recueil de poèmes JOURNAL DE GESTES paraît aujourd’hui même dans la collection Bookleg chez Maëlstrom, et (fait très rare) en édition BILINGUE français-néerlandais, avec une très belle traduction de Katelijne de Vuyst, en coédition avec Poeziëcentrum à Gand. Je les remercie chaleureusement toutes et tous pour ce cadeau. Petit enfant, j’étais poète de vagues, j’en traçais déjà quelques pages, à défaut d’alphabet. J’observais la main de mon père, le poète Pierre Coran, et pour moi, la poésie, c’était ça : d’abord un geste. Ces notes au fil de la marche, ou des terrasses de cafés, ces revers de la main qui cherchent un sens ou une aile ou un pavé, j’y vois bien un « journal de gestes », traces tangibles posées comme des pas dans le sable, que l’on rêve un peu plus persistantes… ». Et en deux langues, car – je cite- « la poésie ne s’arrêtera jamais à un problème de langue ». Cette phrase, elle me fut dite récemment par un adolescent, en langage de signes, dans un Institut pour jeunes sourds. Il en prit pour preuve le mot poésie qui est en sa langue une double caresse sur le bras, du dos de la main, puis paume ouverte.

 

Puissions-nous appliquer ces principes et nous entendre ensemble sur la beauté du geste.

 

Aujourd’hui paraît aussi un autre livre qui m’est cher, aux belles éditions « La Joie de Lire ». J’ai compté : c’est le 13ème livre que je publie avec une ou un illustrateur de Flandre. Que ce chiffre qui n’a pas bonne réputation me porte bonheur.  Un livre de poèmes et courtes narrations pour la jeunesse, illustré par la grande artiste néerlandophone Gerda Dendooven : « VENT D’HIVER », chez Lannoo « Wintervuur ».  Un autre livre paraîtra au printemps : une première édition de ma poésie aux Etats-Unis, aux Editions Black Widow Press à Boston, dans une merveilleuse collection de poésie française, grâce à la volonté d’un célèbre traducteur, Norman Shapiro. Cela me permet d’insister ici sur l’importance des traducteurs, de la traduction que tous les partenaires de Poète National/Dichter des Vaderlands défendent. Un fantastique recueil sur Paul Snoek, et d’autres, sont venus l’an dernier nous montrer à quel point il faut nous traduire les uns les autres, des grands noms aux poètes qui émergent, en particulier cette génération fantastique de poétesses en Flandre, par exemple. Michaux, un des dix plus grands poètes au monde du XXème siècle, existe enfin en néerlandais. Plusieurs éditeurs ici dans cette salle, partenaires de Poète National, se battent. Il faut trouver des aides, j’ai envie de dire « d’urgence », pour continuer ce passage dans les deux sens, qu’aussi des francophones comme Jacqmin, Nougé, Scutenaire, Chavée, Izoard, Lambersy, Wouters, Lejeune, Sodenkamp, Norge, Namur, Cliff et d’autres soient traduits, elles et eux qui ont changé le visage de la poésie en Belgique francophone et parfois en France. Ce serait un scandale que nous ne puissions pas partager au moins la lumière de ces phares de nos poésies.

 

Je terminerai par la lecture mon premier poème national. J’ai voulu qu’il s’adresse à tout le monde, en espérant que la presse le relaiera. Pourquoi partir pour deux ans de voyages si on ne croit pas en la poésie ? J’ai voulu m’adresser à un enfant qui est au bord d’une page, qui ne l’a pas encore tournée, qui s’apprête à y écrire, à l’orée de tous les possibles. Un poème qui s’adresse à un enfant, mais qui n’est pas forcément un poème pour enfants : j’aime ce faux paradoxe. Les scientifiques disent que les enfants d’aujourd’hui sont la dernière génération qui peut inverser le compte à rebours fatal. Les politologues étudient comment les partisans de l’extrême, du repli vont envahir les réseaux sociaux, être là à la sortie des écoles : pour eux, la génération qui vient leur appartient. A nous de tenir un autre discours, de prôner une parole libre, qu’elle soit dans la main ouverte ou dans le poing, de transmettre cette urgence poétique autant qu’humaniste ou écologique qui est nôtre. Il faut rêver d’une génération qui ne va pas seulement voter en protestant, cochant parfois par défaut le nom de celui qui crie le plus fort. J’ai arpenté tant d’écoles pendant trente ans, des maternelles aux lycées, pour vous dire qu’un certain idéalisme est encore possible, si on y va franchement, en bousculant parfois les convenances et les statues.  Avant de passer moi-même le témoin, j’ai deux ans pour aller sur les chemins pour partager cette parole. Comme disait le grand Verhaeren dans le texte qui m’accompagne : « Tels sont mes espoirs ».

 

Avec le soutien de la Loterie Nationale et ses joueurs.
Avec le soutien de l’Accord de coopération culturelle entre les communautés falamande et française.