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« Pour Mustafa », poème de Carl Norac au futur Poète national

Mes ami(e)s, en ce jour de Fête Mondiale de la Poésie, je peux enfin vous révéler avec émotion le nom du poète qui me succédera en tant que Poète National/Dichter des Vaderlands de Belgique en janvier 2022 pour deux ans : MUSTAFA KÖR. Encore méconnu côté francophone, plus pour longtemps, il est un très grand poète flamand d’origine turque né en 1976. Dans cette vidéo de la VRT, interviewé par la poétesse Maud Vanhauwaert à la Huis van de Dichter, avec Astrid Haerens, nous partons alors à Louvain lui annoncer officiellement la nouvelle.

Gefeliciteerd, Mustafa ! Symboliquement, j’ai écrit un poème pour lui sur un papier à semences de fleurs et nous l’avons planté dans son jardin. Grâce au festival Woordzee à Ostende en 2019, j’ai connu Mustafa qui est devenu un ami. Il participa à Gedinchtenkrans/ leurs de funérailles. Je suis impatient de vous faire découvrir en français sa poésie aux résonnances autobiographiques si puissantes et à la grande élégance de style. Je le ferai au fil du temps, avec bonheur et la fierté de notre amitié, de nos futurs chemins pour que la poésie déferle plus encore par les rues. Voici ( en français/ en néerlandais ) les quelques mots simples que j’ai écrits pour les planter dans son jardin…

– Carl Norac

 

POUR MUSTAFA

 

Tout ce que nous semons ne doit pas devenir une fleur, tu le sais.

Certains silences resteront sous la terre, de temps en temps seul un caillou remontera, à la forme heureusement imparfaite.

Quand nous étions enfants, nous écartions les doigts pour laisser passer du sable ou de la cendre, aujourd’hui nos mains répandent des semences.

Ces mots vont rejoindre la terre, l’encre va fondre. De ces lignes souterraines s’échappera sans doute un insecte surpris. Bien au-delà de la surface, je te souhaite, pour les deux années qui s’annoncent, d’autres jardins.

Des jardins où passantes, passants viendront t’écouter, ressentir bien plus qu’un souffle sur les brins d’herbe ou les pétales.

Mais d’abord cette voix libre qui t’appartient, chasse les ronces, se tend vers les autres sans oublier qu’elle est aussi cette rose qui, comme le dit Celan, « fleurit parce qu’elle fleurit » sans devoir dire pourquoi.

VOOR MUSTAFA

 

Niet alles wat we zaaien moet een bloem worden, dat weet je.

Sommige stiltes zullen onder de aarde blijven, van tijd tot tijd zal enkel een kiezelsteen opduiken, gelukkig onvolmaakt van vorm.

Wanneer we kinderen waren, spreidden we onze vingers om er zand of as door te laten glijden, vandaag verspreiden onze handen zaden.

Deze woorden zullen de aarde bereiken, de inkt zal verteren. Zonder twijfel zal uit deze ondergrondse zinnen een verrast insect ontsnappen. Verder dan enkel op de oppervlakte wens ik je de komende twee jaar verschillende tuinen toe.

Tuinen waar voorbijgangers naar je komen luisteren, om veel meer te voelen dan slechts een adem op grassprieten of bloemblaadjes.

Maar eerst duwt deze vrije stem die jou toebehoort de distels opzij, buigt naar de anderen zonder te vergeten dat hij ook die roos is die, zoals Celan zegt, « bloeit omdat hij bloeit » zonder te hoeven zeggen waarom.

 

– Traduction par Astrid Haerens

Pour découvrir la vidéo : cliquer ici.

Lucie Niclaes : « L’ange-nuit »

« Une des grandes émotions de Fleurs de funérailles est la surprise que nombre d’adolescents nous ont écrit, à moi ou à la Maison de la Poésie de Namur, pour exprimer leur soutien, parfois avec un poème. Je voulais à titre symbolique en publier un ici, sur notre site national et qu’il soit mêlé à ceux de nos grandes poétesses et poètes. Il s’agit ici d’une étudiante de 19 ans, Lucie Niclaes, que je remercie pour ces mots où douleur bascule d’une lettre, devient douceur. À travers elle, merci à tous ces jeunes qui, depuis leur confinement, nous ont manifesté leur soutien. Ce qui me touche profondément, au-delà de ces poèmes, est l’acte qui nie le conflit ou le passage des générations : écrire simplement pour l’autre, qu’on ne connaît pas, qui n’a pas notre âge, ni nos chemins. La parole donnée pour don, sans rien attendre. »

– Carl Norac

 

Mystifiant la douleur, dans l’ombre il attend

Ange bleu sur les eaux où miroite une promesse

Les secondes qui précèdent le bouleversement

À l’instant de la mort mon regard le caresse

 

Saisir le rivage de ce rêve éveillé

De la lumière mate sur une dernière fumée

Le tambour a battu, l’heure du départ est là

Je souffle sur la flamme de la vie qui s’en va

 

Si le ciel m’est témoin, ô que ce soir est doux

Les feuilles prennent la rosée et chuchotent leurs adieux

Sur le rivage clos, la lumière est de vous

Qui m’avez préparé, à votre insu, ce lieu

 

Que mon souffle t’accompagne, que mon regard soit tien

Ton empreinte dans mon cœur me fera respirer

Ton odeur restera comme une mince nuée

Parfois la sensation d’une petite main

 

Il est tard. Il est temps. Je vais vous embrasser

Je m’épuise à attendre devant ces eaux de marbre

Un ange souriant est debout sur la barque

Et m’attend, rayonnant, pour ma traversée

 

Je reviendrai à vous, et un jour je serai

Celle qui préparera votre rivage à vous

C’est le cœur amoureux que je vous ai laissé

Que le ciel soit témoin, ô que ce soir est doux

 

Sixième Poème National de Carl Norac

Still standing

 

Sortant du train bondé,

de la fourmilière des gens

qui filent vers la mer pour emplir

la digue de souffles, de fleurs en papier

et soigner leurs fêlures,

il marche vers le théâtre

et entre dans la salle vide.

Aujourd’hui, il devait y confier ses chemins,

la simple égratignure du temps quand il devient lueur,

poème comme sable ou caillou, jamais cendre,

avec ces pointes d’ongles

que la paume adoucit vers le regard des autres.

Personne. Devant la porte scellée,

ces sièges rouges fermés comme des huîtres,

debout, il lit cependant. Pas pour lui-même.

Il envoie ses paroles aux quatre coins,

qu’elles fassent office de paysage, prennent place

pour les absents qui, peut-être,

se seraient laissés traverser.

À la dernière strophe, il hausse la voix,

avec fougue, comme si ses phrases

portaient juste un peu de poudre.

Qui sait ? La poésie parfois fait sauter les serrures.

Et c’est ce qu’il advient.

Par cet infime appel d’air vers la rue,

passantes et passants entrent lentement,

s’asseyent en forçant

les coquillages de velours rouge.

Plus rien ne bouge.

L’homme lui-même se tait un court instant

et ce premier silence, devant une assemblée,

ayant pour seule loi le bonheur

d’être rompu ensemble,

explose soudain tel un chant.

Ah comme il est bon de retrouver en soi

au moins un mot qui n’obéira pas.

Hommage à Lawrence Ferlinghetti, par David Giannoni

Hommage au grand poète et éditeur de la Beat Generation Lawrence Ferlinghetti, décédé le 22 février 2021 à l’âge de 101 ans, écrit par le poète et éditeur David Giannoni qui l’a connu et publié dès 2004 chez maëlstrÖm (avec notamment ce livre qui devrait être dans toutes nos poches pour éclairer nos chemins : Poésie Art de l’Insurrection – traduit de l’américain par Marianne Costa -, éd. maelstrÖm reEvolution, 2012). – Carl Norac

 

Lorenzo

 

Il y a de ces regards qui ne s’oublient pas

Le tien était de ce bleu de la mer

Phare qui incendie l’aurore

Qui transperce sonde et accueille à la fois

Bodhisattva

Voilà le mot qui surgit en moi

Lors de nos échanges en silence

 

Souvenir de ta main sur ce verre de bière belge

À Florence chez notre commun ami

Grand frère d’âme pour moi

Fils d’adoption pour toi

Qui nous avait liés

Les vrais amis comme le bon vin

Cela se partage

En sa ville il avait créé

La sœur jumelle de la tienne à Frisco

Librairie et édition pour porter loin

La voix des poètes

Beat beat beat Hourra !

Pour éclairer de Lumières l’antre de la bête

Howl crie encore

Et Allen, Neal, Gary, Gregory, John, Jack, Amir, Anne, Diane, Nancy…

 

Comment se fait-il que ton verbe ne séduise plus France ?

Te demandai-je sur le chemin de cette pizzeria génoise

Quelques heures à peine

Après avoir lâché sur la ville blessée

50 et mille poèmes dans les airs

 

Je me le demande aussi

Fut ta première réponse

Puis se bâtit en trois tours de paroles

Le plus beau des contrats

Pour que ta poésie de nouveau s’envole dans cette langue de Prévert

Que tu aimais tant

Langue de ta mère

Comme ton prénom

Que tu signais dans tes mails

Dans l’italien de ton père

Lorenzo

Le même que celui du mien

 

Puis le voyage

Puis ce restaurant où nous demandions

Au moment de la note

Au gentil garçon

Qu’est-ce que la poésie pour toi ?

Et lui de répondre

Sérieux et profond :

C’est l’une des choses les plus importantes dans la vie

 

Puis l’océan et tout un continent

À nous séparer entre nos rencontres

Et la poésie les livres l’inéluctable action

À nous rapprocher

Ainsi que cette autre voix

Cette femme longue et belle

À translater de ta bouche à la sienne

Ce que tu veux réellement nous dire

Sans te l’expliquer

 

Les années nous menèrent au seuil du siècle

Tu le franchis avec joie et détachement à la fois

Tous autour de toi à fêter

Et loin en Europe

Et partout à crier tes mots

À honorer le Little boy que tu demeurais

 

Après 100

101

Et…

 

Le Verseau ne se mue pas en Poisson

Pas en bélier

Cette année

 

101

 

Chiffre âge destinée

Miroir

 

1

0

1

 

Tu passes la frontière

Comme le poème que ta vie ici

Trace encore en nous

 

Cela est immortel

 

Héros devenu mythe

En un éclair instant

 

Nous t’entendons encore en te disant

Tu parles à travers les flammes de l’Insurrection permanente

 

Speak out

Prenez la parole

Telle était ton incantation

 

La voici cette parole

Distance la plus courte entre nous

 

Cette voix elle dit…

 

La poésie c’est une vision brillante qui s’assombrit, une vision assombrie qui s’illumine.

Un poème devrait s’élever dans l’extase, quelque part entre parole et chant.

Un vrai poème peut créer un calme divin dans le monde.

La poésie existe parce que certains tentent de mettre les fleurs en prison.

La poésie ne vaut rien et par conséquent elle n’a pas de prix.

La poésie est le parfum de la résistance.

Poésie : le sous-vêtement de l’âme.

Tout enfant qui peut capturer une luciole possède la poésie.

Aliette Griz : « Pour Gaëlle »

Pour Gaëlle

 

La vie traverse Gaëlle et Gaëlle traverse la vie

Et c’est ainsi qu’il faut s’y faire

La vie donne à Gaëlle

Une aura qui persiste

Jeune mère et femme de défis

Relevés d’un sourire

Camerounaise et belge

Gaëlle traverse la vie avec l’aisance de celles

Pour qui la retenue

Est un élan

Quiconque côtoie Gaëlle sait qu’elle

Apporte sa lumière sans effort

et chacune, chacun

Se demande pourquoi la vie n’a pas continué

La vie traverse Gaëlle et oublie qu’il faut du temps

Pour faire sa vie pleinement

La vie étourdit et Gaëlle sourit

La vie traverse Gaëlle et rien n’explique pourquoi

La vie s’interrompt

Gaëlle traverse la vie et les mots disent qu’elle l’avait l’envie

L’envie de plus de vie

Les souvenirs sont là

La vie traverse Gaëlle et compte s’arrêter là

Personne ne sait pourquoi

Gaëlle traverse les épreuves si vite

Et Gaëlle donne la vie

Gaëlle malade et Gaëlle maman

Gaëlle a toujours envie de plus de vie

Gaëlle maman

Gaëlle au firmament

Personne ne sait pourquoi

Ce qui ne s’explique pas

Alors pour son enfant

Pour Gaëlle et l’homme qu’elle aime

Voici un poème pour dire au présent

Là où la vie traverse Gaëlle

Au présent qui la garde

Présence pour Saturne et son papa

Gaëlle traverse les souvenirs

Au présent

Elle sourit

À la vie qui traverse et c’est déjà fini

Le présent regroupe

C’est lui qui porte Gaëlle aujourd’hui

Le présent d’un souvenir avec elle

Des mots qui s’écrivent pour celle

Qui traverse nos manques de

Gaëlle au présent

La vie traverse Gaëlle et Gaëlle traverse la vie

Et c’est ainsi qu’il faut s’y faire

Cinquième Poème National de Carl Norac

Table rase

 

L’année s’est immiscée et c’est nous

qui devons la meubler d’un souffle.

Faire table rase, disais-tu.

Mais nous venons déjà de jeter janvier

devant nous telle une fausse promesse,

un peu de pain semé au ciel

en dessinant du regard un oiseau invisible.

A la file, nous vaquons toujours au désordre.

Cependant, nous entrons

en ces chemins contrariés

avec ce qui demeure de feu, d’immuable

en nos constructions d’allumettes,

nos châteaux de sable, nos élans,

nos précieux samizdats, nos résolutions.

Pour exaucer nos rêves encombrés

demeure sur nos routes,

en ce matin de février,

le mot espoir qui traîne.
Un espoir sans frémir, ni briller, ni falloir.

Jusqu’où le pousserons-nous

en nos maisons, coûte que coûte ?

Nous le posons sur une table,

puis sur la page à peine tournée.

Avec ce mot-là pour emblème,

nous pouvons au moins démasquer,

loin de la gueule de l’emploi,

deux lèvres entrouvertes au poème.

Rose-Marie François : « À mon petit des Antipodes » (Fr, De, Nl)

 

À mon Petit des Antipodes

 

Ô Toi si loin, si proche,

j’aurais tant voulu,

avant de partir,

te serrer contre moi,

entendre encore ta voix…

Qui te coupe la parole

au bout du fil ?

Déjà j’enfile mon linceul.

Je prononce ton nom.

Mais aucun son ne sort

de mon respirateur.

La rose à mon chevet

fleurit incognita,

personne ne la verra,

elle se fane, elle se couche

sur mon cœur

qui va cesser de battre.

Toi, va ton chemin !

N’oublie jamais de rire !

N’oublie jamais de vivre !

Je t’embrasse une dernière fois.

Ta grand-mère qui t’aime.

Meinem Kleinen im fernen Ausland

 

O du, so weit, son nah,

wie gern hätte ich,

bevor ich verscheide,

dich so innig umarmt,

deine Stimme gehört…

Wer lässt dich am anderen Kabelende

plötzlich schweigen ?

Schon schlïpfe ich ins Leichentuch.

Ich nenne deinen Namen laut.

Aber kein Laut verlässt

den Respirator.

Die Rose auf dem Nachttischchen

blüht incognita,

niemand wird sie sehen,

schon legt sie sich verwelkt

aud mein Herz, das bald

das Klopfen verlernt.

Geh du deinen Weg !

Vergiss nie zu lachen !

Vergiss nie zu leben !

Lass dich zum allerletzten Male

noch umarmen von

deiner dich liebenden Oma.

Aan mijn kleine in ‘t verre buitenland

 

O jij, zo ver, zo dichtbij,

voordat ik overlijd,

zou ik je nog eens innig

hebben willen omhelzen en

je stem nog hebben willen horen…

Wie doet je plotseling zwijgen

aan het andere einde van de lijn ?

Reeds glijd ik in mijn lijkwade.

Ik noem je naam hardop.

Maar geen geluid komt uit

mijn respirator.

De roos op mijn nachtkastje

bloeit incognita,

niemand zal haar zien,

verwelkt al gaat ze liggen

op mijn hart, dat het kloppen

langzamerhand verleert.

Ga jij je gang maar !

Vergeet nooit te lachen !

Vergeet nooit te leven !

Laat je nog voor de allerlaatste keer

innig omhelzen door

je je liefhebbende Oma.

Traduction de l’auteure. 

Claude Donnay : « Du plus profond de l’Ardenne »

Pour Marie Louise Bastogne

 

Du plus profond de l’Ardenne,

là-bas

où les sapins défient l’hiver,

dans le ciel et dans le vent,

comme leurs grands frères canadiens,

là-bas

une voix parle de toi,

une voix se souvient de toi,

de ton sourire au matin d’un jour,

de ton sourire

même au plus noir des saisons.

 

Une voix dit ta patience,

ta chaleur,

cet élan de tout le corps

vers les têtes blondes, brunes ou rousses,

des enfants en fleurs, des enfants en pleurs.

Tu as tant donné et tant perdu,

répète la voix, là-bas,

au milieu des bois de l’Ardenne.

 

Du soleil plein la tête, tu as prié,

prié pour la vie, prié pour l’amour,

sans jamais baisser les bras,

sans jamais replier tes ailes d’oiseau libre.

Et tu as tant aimé,

les livres le savent,

ils le chantent aux fidèles de ta bibliothèque.

Cette femme, disent-ils, avait les mains de l’âme.

Qu’elle couse, cuisine ou brode,

son cœur battait au rythme des autres,

frères et sœurs du hasard,

amis de route et de rêve.

 

Du plus profond de l’Ardenne,

la voix du vent parle de toi,

quand ton regard courait sur le plateau

jusqu’aux sanglots de l’horizon.

Toi qu’il porte dans son souffle,

toi qui te glisses sur nos joues,

toi qui te pousses contre notre dos,

toi qui est là-bas,

dans la flamme tremblante d’une bougie,

toi qui nous dis dans la chaleur de cette flamme,

dans le jeu de sa lumière sur nos visages,

que rien ne s’arrête,

que la vie n’a d’autre limite que la vie,

que là-bas au fond du fond d’une Ardenne sans nuages,

d’une Ardenne au-delà des horizons,

ils sont tous présents, ton mari d’amour,

tes trois garçons chéris,

et ta maman, et tes sœurs,

avec leurs yeux pétillants et leurs bouches ensoleillées.

Ils sont tous là, tous !

 

C’est la voix qui le dit,

ta voix qui nous le dit,

rien ne se perd,

jamais,

rien ne sombre,

on se reverra,

c’est déjà demain, au détour d’un sapin

ou d’un chant d’oiseau

dans le matin d’un jour,

rien ne se perd, jamais,

on se retrouvera entre les arbres

d’une Ardenne aussi belle que la vie,

aussi grande que notre amour,

on se reverra dans l’Ardenne de ton cœur.

 

Claude Donnay  –  8 décembre 2020

Francesco Pittau : « Je n’ai pas prié sur ta tombe ni pleuré… »

Je n’ai pas prié sur ta tombe ni pleuré
ni imploré le ciel et encore moins vociféré
mon inutile colère
me suis éloigné sur l’allée caillouteuse
regardant çà et là les pierres fraîches
et les pierres moussues où dorment des enfants
ombragées par les cèdres qui parlent avec une voix
d’oiseau me suis éloigné vers la ville bruissante
de chaleur

Les jours sont accrochés aux fenêtres
comme des pots de fleurs sur les murs
les vignes s’agriffent avec la vigueur
farouche des choses qui ne durent pas

«Où vas-tu donc de ce pas incertain ? sinon
vers un lieu inconnu peut-être un bistrot frais
une bulle d’ombre dont la douceur apaise»

Assis à une table au plateau de marbre
un chant funèbre désarticulé
me vient aux lèvres un murmure un marmonnement
fait de syllabes insensées : le minder des
sytes kave la mince écision l’apstre ému
— et puis le silence.

Corinne Hoex : « La dernière neige »

Ce sera décembre.

Ce sera l’hiver.

Il faudra avoir vu

brûler les branches

qui fleurissaient

dans les vergers.

Marcher sous les pommiers

parmi les fruits de givre.

Et le vent

nous tranchera le visage.

 

Ce sera décembre

aux craquelures bleues.

Un murmure sur la neige

creusera le vent glacé.

Nous marcherons

en silence

autour de ton silence.

Nous marcherons

sur les empreintes

de tes pas.

 

Ce sera décembre.

Dur cristal immobile.

Gerçures aux mains,

aux lèvres.

Cils pailletés de blanc.

Nous marcherons en silence.

Crissement de la glace.

Et là-dessous,

patientes,

nos racines.