Traversée

Le train naar ons landje a amené
italiens polonais français
grecs marocains espagnols
et ceux de l’est et ceux du sud
et ceux de l’ouest et ceux du nord
a charrié forces vives
petit pays klein landje
depuis toujours pétri
de tant de traversées
ah treinen treinen
train des partitions de fils
où chantent les corbeaux
le train avale visages
et puis les rend aux quais
d’une autre vie
ah le train le train
qui déplace la mienne
d’un quai à l’autre
de l’Europe
d’une langue à l’autre
de la Belgique
de Bruxelles tu pars vers Liège
et puis Luik et puis Liège
de Bruxelles tu pars vers Mons
et puis Bergen et puis Mons
quand les bras de mon amour
sont là pour m’accueillir
il est bon le retour
et je pense à tous ceux
lâchés au quai d’ici
sans bras pour les cueillir
ah treinen treinen
petit train électrique
de mon père de mon frère
traverse mon enfance
montagnes de carton pâte
personnages minuscules
nous recréions le monde
nous sommes ces petites femmes
tout petits hommes
réenchantons le monde encore
aux rails de nos vies
le train file défile enfile
les paysages de nos visages
qui se reflètent dans la vitre
se fondent à chaque prairie
chaque ciel qui effeuille
toutes les formes des nuages
s’y perdent nos visages
train des premières ou secondes classes
les vaches blanches nous regardent
ou l’animal sauvage immobile en effroi
train des courriers des marchandises
des pauvres bêtes d’abattoir
des convois noirs pas revenus
train de toutes les mémoires
ô treinen treinen
le train parfois est en retard
piétinent les passagers
quai du train qui déraille
de trein s’il part à l’heure
est sur une ligne sans obstacle
si un corps n’est pas désespéré
est sur une ligne sans obstacle
le train parfois est trash
et quand le train à grande vitesse
passe au pays d’à côté
mon âme assise reste à m’attendre
sur le quai de Bruxelles
le train parfois s’arrête à chaque gare
avant qu’elle ne s’efface
face aux guichets automatiques
salue l’homme au sifflet du départ
un bruit presqu’un klaxon
ferme les portes du wagon
et si le train ne roule plus
tout le pays est suspendu
au chant des corbeaux sur le fil
le train relie trace des lignes
cliqu’tis des tricoteuses
des baladeuses et des liseuses
train des ordis et des rêveurs
treinen des contrôleurs
train des traintrains quotidiens
emmène-moi au littoral
emmène-moi en Hautes Fagnes
ouvrons mijn vriend ouvrons le train
aux sans papiers aux sans rivages
et que le train tout comme
les veines bleues du monde
charrie ici coeurs nouveaux
pour y semer entrains de vie
train démocratique fenêtres claires
offre-nous un ticket ouvert
chaque premier dimanche du mois
pour explorer tout bled
où les rails filent encore
que notre pays devienne
labo de nos curiosités
à l’étranger si près
qui partage avec nous
nos contrées séparées
oh ooooh train trrrrein
trrrrreinen trrrrrrrrrain
trrrrransporte-moi
trrrrravaille-moi ébrrrranle-moi
entrrraîne-moi trrrrame de roulis neufs
le tissu pâle
de nos corps endormis

 

et tandis que j’écris
un homme face à moi
en boule sur banquette
voyageur sans ticket
dans son silence implore
l’argent pour continuer
vivant le grand voyage