7e poème d’Els Moors en tant que Poète Nationale
Le réalisateur Dominique Henry et la Poète Nationale Els Moors ont collaboré autour de la création d’un documentaire mettant en lumière le canal Charleroi-Bruxelles et celui de Willebroek. Dominique a entrepris ce voyage, inspiré par l’idée du Tour de Belgique réalisé par Els et Laurence Vielle. Ce septième poème de notre Poète Nationale résulte des pérégrinations le long des canaux belges et se pose, en quelque sorte, comme la bande-annonce du documentaire.
La surface métallique de l’eau couleur de plomb
qui danse, clapote, lourde comme un animal à l’agonie.
La réalité qui émerge comme un signe de mauvais augure
comme un navire à travers un épais brouillard.
Lentement monte en moi, ce qui me remplit
d’effroi, la pensée d’un esprit tout comme le mien
capable de tout, qui détient la totalité du futur
et la totalité du passé tout comme
le regard tourné vers l’intérieur de ceux qui suivent
l’eau. Tandis que des oiseaux clairs chevauchant le vent
volent au-devant de la lumière cachée, cherchant refuge
sous un pont, sans même interrompre le flux de la durée
ou la durée du flux, chaque rive, pour le regard d’un
chercheur solitaire, continue à flotter entre recto et verso,
perspective ou horizon, jour ou nuit, rêve ou veille,
lointain ou proche, au point que le paysage coupé en son milieu
semble finalement figé : un masque, lourd comme la porte close
d’une prison, qui témoigne d’un savoir caché, d’une attente
patiente, d’un silence inaccessible,
une lenteur déchantée des choses, ou un souvenir.
Un navire en détresse qui ne se laisse plus
ramener au port, cet endroit aussi fut un jour empli de ténèbres.
Traduction: Danielle Losman avec le Collectif bruxellois des traducteurs
Avec le soutien de la Loterie Nationale et de ses joueurs.