• Fleurs de funérailles

    POÈMES FUNÉRAIRES GÉNÉRAUX

« INDEX DES POÈMES DISPONIBLES

 

Taha Adnan : « Corona versus » (مقام العزل) (+vidéo)

Jean D’Amérique : « nuit lacrymale »

Hubert Antoine : « Réservez-moi un rêve »

Jan Baetens : « Nous te couvrons de larmes et de linges… »

Antoine Boute : « Partir c’est habiter radicalement partout… »

Eric Brogniet : « Rose noire » (+vidéo)

Carino Bucciarelli : « Mars 2020 »

Valérie Carbonnelle : « Toi qui as aimé »

Thierry-Pierre Clément : « Notre amour est avec toi »

Pierre Coran : « Devoirs »

Thibaut Creppe : « L’autre côté du soir » (+vidéo)

Serge Delaive : « Lacune » et « Pour la soif »

Aurélien Dony : « C’est jour de triste… » (+vidéo)

Claude Donnay : « Fleurs de funérailles »

Charles Ducal : « Sauf toi » (+vidéo)

Perrine Estienne : « Toucher » (+vidéo)

David Giannoni : « Il est un fleuve pour nous toutes… »

Leo Gillessen : « La nuit est claire… »

Aliette Griz : « De quoi avez-vous besoin pour ce voyage ?… » (+vidéo)

Corinne Hoex : « Le pays lointain » (+vidéo) et « La dernière neige »

Peter Holvoet-Hanssen : « Chant de grenouilles »

Maud Joiret : « Nous avons dit aux heures… »

Gioia Kayaga : « Turi Kumwe (On est ensemble) » (+vidéo)

Jessy James LaFleur : « Ein Ort namens Ewigkeit »

Caroline Lamarche : « Poème pour ne pas partir seul » (« Poem against lonely departures » ; « Poema para no irse solo » ; « Poesia per non andarsene soli » ; « Yalnız ayrılmamak için şiir » ; « Poema para não ir sozinho ») (+vidéo)

Werner Lambersy : « Je n’étais pas là… » (+vidéo)

Soline de Laveleye : « Toi qu’embrasse la lumière »

Pascal Leclercq : « Reste la vie que j’avais cru si douce… » (+vidéo)

Philippe Leuckx : « Prières, poèmes »

Béatrice Libert : « Ce matin-là » et « Paroles du soir »

Françoise Lison-Leroy : « Tant de choses à te dire… »

Karel Logist : « Comment se tenir là pour te dire au revoir?… » (+vidéo)

 

Lisette Lombé : « Parmi les tristes, je me tiens debout… » (+vidéo)

Jean Loubry : « Puisque… »

Veronika Mabardi : « Tu n’es pas loin, non… » (+vidéo)

Manza : « Il y a ceux qui partent trop tôt… »

Dominique Massaut : « Habiter les autres »

Paul Mathieu : « Assis au seuil… »

Christian Merveille : « On n’aurait jamais pu imaginer cela » (+vidéo)

Serge Meurant : « Dans l’ignorance de ce qu’il vécut… »

Yves Namur : « (Un poème de circonstance) » (« (Poem for the occasion) » ; « (Poema de circunstancias) »)

Carl Norac : « Fleurs de funérailles » (« Flores funerarias » ; « Flowers for a funeral »  ; « Flores de funeral » ; « Cenaze çiçekleri »

Lucien Noullez : « Qui pousse dans le dos ?… »

Lucie Niclaes : « L’ange-nuit »

Tom Nisse : « Prières »

Colette Nys-Mazure : « Nous allons sans savoir… »

Jean-Luc Outers : « Le son de la terre » (+vidéo)

Anne Penders : « Myosotis »

Francesco Pittau : « Tu es là… »  (+vidéo) et « Je n’ai pas pleuré sur ta tombe… »

Béatrice Renard : « Le plus difficile » (+vidéo)

Milady Renoir : « En deux temps » (+vidéo)

Elke de Rijke : « Environnement »

Laurent Robert : « Consolation contre le temps »

Marie-Clotilde Roose : « Est-ce que Tu nous attends ?… »

Timotéo Sergoi : « Les valises » (+vidéo)

Peter Theunynck : « Bonne nébuleuse » (+vidéo) et « Les esquimaux »

Jérémie Tholomé : « On laisse »

Vincent Tholomé : « Le grand partage » (‘The great divide ») (+vidéo)

Jean-Pierre Verheggen : Mort où est ta victoire? (+vidéo)

Anne Versailles : « Ce matin, j’ai changé l’eau des fleurs… » (et traduction espagnole) (+vidéo)

Laurence Vielle : « Au revoir… » (et traductions espagnole, turque, flamande et anglaise) (+vidéo)

Pierre Warrant : « Que reste-t-il… »

 

 

Avec le soutien de la Loterie Nationale et ses joueurs.

 

 

 

Lucie Niclaes : « L’ange-nuit »

« Une des grandes émotions de Fleurs de funérailles est la surprise que nombre d’adolescents nous ont écrit, à moi ou à la Maison de la Poésie de Namur, pour exprimer leur soutien, parfois avec un poème. Je voulais à titre symbolique en publier un ici, sur notre site national et qu’il soit mêlé à ceux de nos grandes poétesses et poètes. Il s’agit ici d’une étudiante de 19 ans, Lucie Niclaes, que je remercie pour ces mots où douleur bascule d’une lettre, devient douceur. À travers elle, merci à tous ces jeunes qui, depuis leur confinement, nous ont manifesté leur soutien. Ce qui me touche profondément, au-delà de ces poèmes, est l’acte qui nie le conflit ou le passage des générations : écrire simplement pour l’autre, qu’on ne connaît pas, qui n’a pas notre âge, ni nos chemins. La parole donnée pour don, sans rien attendre. »

– Carl Norac

 

Mystifiant la douleur, dans l’ombre il attend

Ange bleu sur les eaux où miroite une promesse

Les secondes qui précèdent le bouleversement

À l’instant de la mort mon regard le caresse

 

Saisir le rivage de ce rêve éveillé

De la lumière mate sur une dernière fumée

Le tambour a battu, l’heure du départ est là

Je souffle sur la flamme de la vie qui s’en va

 

Si le ciel m’est témoin, ô que ce soir est doux

Les feuilles prennent la rosée et chuchotent leurs adieux

Sur le rivage clos, la lumière est de vous

Qui m’avez préparé, à votre insu, ce lieu

 

Que mon souffle t’accompagne, que mon regard soit tien

Ton empreinte dans mon cœur me fera respirer

Ton odeur restera comme une mince nuée

Parfois la sensation d’une petite main

 

Il est tard. Il est temps. Je vais vous embrasser

Je m’épuise à attendre devant ces eaux de marbre

Un ange souriant est debout sur la barque

Et m’attend, rayonnant, pour ma traversée

 

Je reviendrai à vous, et un jour je serai

Celle qui préparera votre rivage à vous

C’est le cœur amoureux que je vous ai laissé

Que le ciel soit témoin, ô que ce soir est doux

 

Francesco Pittau : « Je n’ai pas prié sur ta tombe ni pleuré… »

Je n’ai pas prié sur ta tombe ni pleuré
ni imploré le ciel et encore moins vociféré
mon inutile colère
me suis éloigné sur l’allée caillouteuse
regardant çà et là les pierres fraîches
et les pierres moussues où dorment des enfants
ombragées par les cèdres qui parlent avec une voix
d’oiseau me suis éloigné vers la ville bruissante
de chaleur

Les jours sont accrochés aux fenêtres
comme des pots de fleurs sur les murs
les vignes s’agriffent avec la vigueur
farouche des choses qui ne durent pas

«Où vas-tu donc de ce pas incertain ? sinon
vers un lieu inconnu peut-être un bistrot frais
une bulle d’ombre dont la douceur apaise»

Assis à une table au plateau de marbre
un chant funèbre désarticulé
me vient aux lèvres un murmure un marmonnement
fait de syllabes insensées : le minder des
sytes kave la mince écision l’apstre ému
— et puis le silence.

Corinne Hoex : « La dernière neige »

Ce sera décembre.

Ce sera l’hiver.

Il faudra avoir vu

brûler les branches

qui fleurissaient

dans les vergers.

Marcher sous les pommiers

parmi les fruits de givre.

Et le vent

nous tranchera le visage.

 

Ce sera décembre

aux craquelures bleues.

Un murmure sur la neige

creusera le vent glacé.

Nous marcherons

en silence

autour de ton silence.

Nous marcherons

sur les empreintes

de tes pas.

 

Ce sera décembre.

Dur cristal immobile.

Gerçures aux mains,

aux lèvres.

Cils pailletés de blanc.

Nous marcherons en silence.

Crissement de la glace.

Et là-dessous,

patientes,

nos racines.

Claude Donnay : « Fleurs de funérailles »

Tu as bouclé ton sac

Appelé par la route

Par le vent qui lève dans les maïs

Tu suis ton chemin

Dans le silence d’une montagne

Que tu dessines pour nous

D’un geste léger

Au revoir, nous dit ta main

 

Tu t’enfonces dans les nuages

Tel un oiseau en transhumance

L’horizon dans la tête

Et nos yeux à tous – boussoles d’amour –

Pour te guider

Quand la pente sera trop raide

 

Tu pars

Pour mieux revenir dans nos cœurs

Au hasard d’un matin rose

Ou d’un soir d’étoiles à cueillir

Rien ne s’arrête

Surtout pas la vie

 

Tu ouvriras ton sac

Sur une pierre tiède

Avec un drap de ciel bleu

Tu ouvriras ton sac

Tranquille

Pour casser la croûte du jour

En guettant notre arrivée

Nous, les lents, les escargots du temps

Les flâneurs, les trainards

Toujours en retard

Tu nous connais si bien

 

Tu nous attendras

Assis sur ta pierre chaude

Sans impatience

Sans inquiétude

Tranquille

Souriant de nous regarder cheminer

Sur ton sentier

Juste quelques lacets plus bas

Tu nous attendras

En caressant du doigt

Le drap de ciel bleu

Rien ne s’arrête, nous dis-tu

Surtout pas la vie

 

14 novembre 2020

Jérémie Tholomé : « On laisse »

On le sait

C’est écrit dès la première page :

 

Un jour

On boucle la valise

Et on rend les clés

Mais s’en va-t-on jamais vraiment ?

 

On laisse

Quelques mots

Une liste de courses froissée

Un parfum d’adoucissant

Une voix sur le répondeur

 

On laisse

Quelques points de suspension

Des sourires sur des photos à développer

Des mystères à résoudre ou à entretenir

Des histoires à partager autour du café

 

On le sait et pourtant

On voudrait l’oublier au fil des pages :

 

Un jour

On boucle la valise

Et on prend l’escalier

Mais quand on y pense

 

S’en va-t-on jamais vraiment ?

Béatrice Libert : « Paroles du soir »

Ami, sache-le, tu as beau être parti de l’autre côté de la clarté, nous te voyons encore tel que tu as vécu, et ta voix nous revient, tamisant nos échanges. Il suffit de l’éclair d’un mot, de l’abandon d’un geste, de la musique d’une lumière. Notre souvenir est ce pays où tu demeures présent.

Avec quelle encre écrirons-nous ta mort ? Sur quel papier ? Et comment mesurer tous les dons que tu nous as faits ? Désormais, nos vies abritent ton départ, inscrit dans notre chair comme une cicatrice. Nous sommes sans voix, amputés de nos liens. Quel ciel ramènera le jour ? Quel oiseau nous rendra la force de l’envol ?

Et te voilà figé dans la chambre des regrets que nos paroles veulent encore éclairer. Le ciel attend à l’extérieur comme un vieux chien craignant le froid.

L’adieu est une conjugaison très lente.

Valérie Carbonnelle : « Toi qui as aimé »

Ami.e

Ta tâche est accomplie

C’est le repos

 

Voici l’inconnu

Tel un nouveau paysage

Une main tendue

Ton dernier voyage

 

Garde avec toi

Le chant des oiseaux

Et le souffle du vent

Presse en toi

Le feu qui crépite

Et le rire des enfants

 

Emmène avec toi

Le goût du pain

Et les pas sur le chemin

N’oublie pas

Que ton cœur aima

Hume en toi

Les derniers baisers

 

Tu vas vers la lumière

Telle une plume

Tu danseras

Vers l’au-delà

 

Ami.e

Toi qui as aimé

Belle traversée

Thierry-Pierre Clément : « Notre amour est avec toi »

merci

merci pour ton amour donné

ta vie

bougie fragile soufflée par le vent

 

flamme pourtant du même feu

que le puissant soleil

il n’épuise pas sa chaleur

ni l’éclat blanc de sa lumière

 

va maintenant

va

puisqu’il faut bien partir

et nous laisser sur cette rive

 

mais au-dessus de ta barque

qui traverse le fleuve

un oiseau blanc perce le ciel

et montre le chemin

 

il porte sur ses ailes

ce feu qui ne s’éteint pas

va maintenant

va en paix

 

notre amour est avec toi

Pierre Coran : « Devoirs »

Quand l’âge vous résout à vivre

Une vie en lieu partagé,

Le sort jamais ne vous délivre

Un passe pour l’éternité.

Le jour où la vague se brise,

Départ, douleur ne font plus qu’un,

Le temps que le cœur s’autorise,

Au seuil des lendemains,

Par-delà les vents, les embruns

Et à l’issue des convenances,

À préserver la souvenance

De ce qui engendra l’hier.

La lampe qui s’éteint

A la satisfaction d’avoir été lumière.

Colette Nys-Mazure

Nous allons sans savoir, obscurcis et chancelants. Ta main ne soutient plus la nôtre et ta voix est si basse que nous ne l’entendons plus. Nous interrogeons les murs et les nuages. A qui adresser les reproches, les insultes qui nous échappent : pourquoi elle ? Pourquoi si tôt ? Et nous ? Et moi ?

Nous nous cognons aux questions sans interlocuteur. Nous marchons cependant, comme elle avançait. On a parlé d’une lueur, d’une clarté, le troisième jour.

L’espérance est chevillée à la douleur.

Poèmes-vidéos

 

 

Une initiative du Soir et du Poète National

 

Index :

Maya Racha lit Taha Adnan : lire le texte (+ accès vidéo)

Manuela Sanchez lit Eric Brognet : lire le texte (+ accès vidéo)

Laurie Degand lit Thibaut Creppe : lire le texte (+ accès vidéo)

Almamy Barry lit Véronique Daine : lire le texte (+ accès vidéo)

Antoine Cogniaux lit Aurélien Dony : lire le texte (+ accès vidéo)

Thierry Hellin lit Charles Ducal : lire le texte (+ accès vidéo)

Babetida Sadjo lit Aliette Griz : lire le texte (+ accès vidéo) 

Benoît Verhaert lit Gioia Kayaga : lire le texte (+ accès vidéo)

Thierry Hellin lit Corinne Hoex : lire le texte (+ accès vidéo)

Isabelle De Hertogh lit Caroline Lamarche : lire le texte (+ accès vidéo)

Pietro Pizzuti lit Werner Lambersy : lire le texte (+ accès vidéo)

Alexandre von Sivers lit Pascal Leclercq  : lire le texte (+ accès vidéo)

Adia Panteleeff lit Karel Logist : lire le texte (+ accès vidéo)

Fabrizio Rongione lit Lisette Lombé : lire le texte (+ accès vidéo)

Jean Luc Piraux lit Veronika Mabardi : lire le texte (+ accès vidéo)

Marie Paule Kumps lit Christian Merveille : lire le texte (+ accès vidéo)

Françoise Gillard lit Yves Namur : lire le texte (+ accès vidéo)

Pietro Pizzuti lit Carl Norac : lire le texte (+ accès vidéo)

Marianne Basler lit Jean-Luc Outers : lire le texte (+ accès vidéo)

Florence Hebbelynck lit Francisco Pittau : lire le texte + accès vidéo)

Jessica Fanhan lit Béatrice Renard : lire le texte (+ accès vidéo)

Marie Paule Kumps lit Milady Renoir : lire le texte (+ accès vidéo)

Bernard Yerlès lit Timotéo Sergoï : lire le texte (+vidéo)

Adia Panteleeff lit Peter Theunynck : lire le texte (+ accès vidéo)

Nicolas Buysse lit Vincent Tholomé : lire le texte (+ accès vidéo)

Hélène de Saint-Père lit Anne Versailles : lire le texte (+ accès vidéo)

Benoît Verhaert lit Laurence Vielle : lire le texte (+ accès vidéo)

Eliot Jenicot lit Jean-Pierre Verheggen : lire le texte (+ accès vidéo)

 

Bernard Yerlès lit Timotéo Sergoï : lire le texte

 

Maya Racha lit Taha Adnan : lire le texte

 

Thierry Hellin lit Charles Ducal : lire le texte

 

Pietro Pizzuti lit Carl Norac : lire le texte

 

Benoît Verhaert lit Laurence Vielle : lire le texte

 

Babetida Sadjo lit Aliette Griz : lire le texte

 

Françoise Gillard lit Yves Namur : lire le texte 

 

Eliot Jenicot lit Jean-Pierre Verheggen : lire le texte

 

Laurie Degand lit Thibaut Creppe : lire le texte

 

Antoine Cogniaux lit Aurélien Dony : lire le texte 

 

Almamy Barry lit Véronique Daine : lire le texte 

 

Manuela Sanchez lit Eric Brognet : lire le texte

 

Nicolas Buysse lit Vincent Tholomé : lire le texte

 

Marie Paule Kumps lit Christian Merveille : lire le texte

 

Hélène de Saint-Père lit Anne Versailles : lire le texte

 

Fabrizio Rongione lit Lisette Lombé : lire le texte 

 

Florence Hebbelynck lit Francesco Pittau : lire le texte

 

Isabelle De Hertogh lit Caroline Lamarche : lire le texte

 

Jean Luc Piraux lit Veronika Mabardi : lire le texte

 

Benoît Verhaert lit Gioia Kayaga : lire le texte

 

Jessica Fanhan lit Béatrice Renard : lire le texte

 

Thierry Hellin lit Corinne Hoex : lire le texte 

 

Adia Panteleeff lit Karel Logist : lire le texte

 

Alexandre von Sivers lit Pascal Leclercq : lire le texte

 

Marianne Basler lit Jean-Luc Outers : lire le texte 

 

Pietro Pizzuti lit Werner Lambersy : lire le texte

 

Adia Panteleeff lit Peter Theunynck : lire le texte

 

Marie Paule Kumps lit Milady Renoir : lire le texte

 

Lire l’article : ici

 

 

Une initiative du Soir.

 

 

Avec le soutien de la Loterie Nationale et ses joueurs.

 

Soline de Laveleye : « Toi qu’embrasse la lumière »

Nous sommes ceux que la lumière côtoie

et que l’ombre talonne,

en migration, nous sommes

les passants d’une histoire qui trébuche.

 

Et le souffle en visite

dans les chambres du cœur

entre par la porte, sort par la fenêtre.

 

Tu as rejoint l’ouvert.

 

Il ne reste que le vent et les arbres

pour passer nos appels,

le silence tout autour

où ta voix s’est défaite.

 

Ce silence est une mer

où nous nous tenons tous,

les uns aux autres

nous tenons.

 

Les mains devant

pour la traversée,

il faudra remonter des brassées de sel,

chercher en aveugle le fil d’un rivage,

la branche d’une parole, l’ombre d’un signe,

un battement un grelot une source,

 

que la douleur allume un ciel

et nos constellations gardent trace de toi.

Jessy James LaFleur : « Ein Ort namens Ewigkeit »

 

Jenseits des Randes der Welt gibt es einen Raum, in dem sich Leere und Substanz sauber
überschneiden.
In einem rastlosen Schwebezustand bilden Zukunft und Vergangenheit eine endlose Schleife,
in der Zeichen bestehen, die niemand jemals gelesen hat,
Akkorde, die niemand jemals gehört hat.
Ein Nicht-Ort, der sich chaotisch ausbreitet und die schwersten Emotionen in sich vereint.
Ein Nicht-Ort an dem man sich findet, weil man sich woanders so schrecklich verloren fühlt.
Ein Nicht-Ort namens Trauer, wo man trauerweidend Wurzeln zu schlagen scheint und doch
verliert man den Boden unter den Füßen, weil du nicht länger unter uns weilst.

 

Wo bist du hin, wer hat dich davon getragen, warst du nicht eben noch hier?
Du hinterlässt eine Leere, die nichts zu füllen vermag, eine Schwere,
die jeden neuen Tag in Frage stellt.
Irgendwas läuft hier schief, irgendwas ist anders, ich fühle mich gefangen zwischen
Wunschvorstellungen und bitteren Tatsachen.
Mein Körper verliert sich in einem Beben, ich lös mich darin auf.
Verpackt in tausend Tränen fließen stillschweigend Schreie aus mir heraus.

 

Das ist zwangsläufig nicht unlebendig, denn jedes Leben ist endlich, aber die Gegenwart ohne
dich fühlt sich so schrecklich schleppend an.
Minuten, die sich zu Stunden dehnen, Tage die nicht mehr vergehen, gefangen in einem dunklen
Raum-Zeit-Kontinuum, summa summarum das Schlimmste, was uns Hinterbliebenen passieren
musste.

 

Denn jetzt ist da so viel Raum, so viel Raum Dinge in Worte zu fassen, die man so lange von sich
weggeschoben hat.
Man ertappt sich beim Festhalten an Erinnerungen, die langsam verblassen.
Man ertappt sich beim Loslassen, um Patz zu machen für neue Gedanken, während man nicht
aufhören kann zu vermissen.
Dich zu vermissen.
“Hallo, hörst du mich?”.

 

Aber wir arrangieren uns, weil wir es müssen, kommen an in der neuen Welt ohne dich,
die sich so schrecklich langsam dreht, das Zeit dehnbar scheint.
Zeit, die sich auflöst, weil man dich gehen lassen muss und du trotzdem bleibst.

 

Und genau das ist die Utopie,
dass wir nie wieder zusammenfinden werden an einem reellen Ort.
Weil da kein Ort mehr ist, an dem wir uns wiederfinden werden,
nur dieser Nicht-Ort gefüllt mit unendlichen vielen Ängsten und Hoffnungen.
Ein Nicht-Ort, den wir nicht länger aufrecht halten können.

 

Meine Tränen prallen auf den Boden, wie Regen auf Asphalt.
Aber wenn man die Augen zumacht, klingt der Regen wie Applaus, der von hier aus bis ins
Jenseits hallt.
Ein letzter Applaus für dich, das letzte Mal im Scheinwerferlicht, weil der letzte Vorhang fällt.
Da fliegst du nun dem Himmel entgegen und meine Hand, die dich hält,
aber nicht länger nach dir greifen kann.
Also lasse ich dich gehen, wünsche dir das Beste für deine letzte Reise, und flüstere ein leises
“Bis bald!”
Atme dich ein, um mich auszuatmen,
so tief das die Lungen brennen,
und sende eine Nachricht an mein Herz, weil ich weiß dass deine Nähe dort niemals endet.
In meiner Brust, meiner Seele so nah, nie weit entfernt,
Dort erreichen dich all meine Worte, die ich dir noch so gerne sagen wollte.
Denn jenseits des Randes der Welt gibt es einen Raum, in dem du mich ewig begleitest.
Ein Nicht-Ort, der dich auf ewig leben lässt.
Einmal wird alles ganz anders, aber meine Liebe hält dich fest.

Un endroit qui s’appelle éternité

Adaptation libre par Jessy James LaFleur

 

Au-delà du bord du monde il y a un espace,
où le vide et la substance se croisent parfaitement.
Dans un état de suspension agité,
l’avenir et le passé forment une boucle sans fin,
dans laquelle il y a des signes, que personne n’a jamais lus,
des accords que personne n’a jamais entendus.

 

Un non-lieu qui se propage de façon chaotique et combine les émotions les plus lourdes.
Un non-endroit où nous nous retrouvons emballés dans le vide,
car ailleurs nous nous sentons terriblement perdus.
Un non-lieu qui s’appelle deuil, enraciné dans la tristesse,
et pourtant la terre se dissout sous nos pieds,
parce que tu n’es plus avec nous.

 

Où es-tu allé?
Qui t’a emporté?
Tu étais ici, il y a quelques instants à peine.
Tu as laissé un vide immense, absolument rien ne peut le remplir,
une gravité qui remet en question chaque nouveau jour et la définition du mot vérité!

 

Quelque chose ne va pas, quelque chose est différent!
Je me sens incarcéré entre un vœu pieux et des faits torturant.
Quelque chose ne va pas, quelque chose est différent!
Mon corps se perd dans un tremblement de terre, je m’y dissous.
Emballé dans de milliers de larmes, seul un cri silencieux sort de mon cou.

 

Le moment n’est pas nécessairement inanimé,
car il sonne à chaque seconde la fin d’une vie,
mais le présent sans toi semble tellement lent.
Des minutes qui s’étirent en heures, des jours qui ne passent plus,
pris au piège dans un continuum espace-temps sombre,
le pire qui ait dû arriver aux survivants.

 

Tout d’un coup, il y a tellement d’espace, sans toi il reste tellement de place!
Et il faudrait des jours,
des semaines,
des mois peut-être pour passer au crible tous les vestiges du passé,
qui sont hébergés et protégés ici.
Les souvenirs qui s’estompent jusqu’à la disparition.

 

Nous lâchons prise et ouvrons-nous au silence intérieur,
pour faire place à de nouvelles choses.
Pourtant, le manque reste sans cesse,
tu nous manques tellement!
« Allo, est-ce que tu m’entends? »

 

Nous en arrivons à un arrangement provisoire,
parce que nous le devons.
Nous arrivons dans le nouveau monde sans toi,
un monde qui ne tourne plus,
le temps s’est arrêté.
J’suis enfin prête à te laisser partir…
…mais tu restes quand même.

 

Et c’est exactement ça, l’utopie;
Que nous ne nous retrouverons plus jamais dans un endroit réel.
Seulement dans ce non-lieu, rempli de peurs et d’espoirs infinis,
un non-lieu que nous ne pouvons plus maintenir.

 

Mes larmes tombent comme de la pluie sur l’asphalte.
Mais si tu fermes les yeux,
la pluie sonne comme des applaudissements qui résonnent d’ici à l’au-delà.
Un dernier applaudissement pour toi,
la dernière fois,
car le dernier rideau tombe.

 

Levant mes yeux vers le ciel,
je te vois t’envoler.
Lâche ma main, car je ne peux plus tenir la tienne.
Je te souhaite le meilleur pour ton dernier voyage,
et je murmure un doux « à plus tard!”.

 

Je t’inspire pour expirer ma douleur,
si profondément que mes poumons brûlent.
Et là j’envoie un message à mon cœur,
car dans cet endroit ta proximité ne se terminera jamais.
Dans ma poitrine, si près de mon âme, jamais très loin toi.
Là-dedans je trouve tous les mots que je voulais te dire,
que je n’avais jamais su auparavant.
Parce qu’au-delà du bord du monde,
il y a un espace dans lequel tu m’accompagneras pour toujours.

 

Un non-lieu qui te permet de vivre éternellement.

 

Un jour tout sera différent,
mais mon amour te tient…
…ton amour me rend vivant!

 

 

Jean-Luc Outers : « Le son de la terre »

 

 

Est-ce que la terre tourne sur elle-même en silence ? J’ai toujours eu le sentiment que sa rotation se faisait sans le moindre bruit. Je parle de sentiment car j’avoue n’avoir pas étudié la question. Sans doute que les astronomes ont, depuis longtemps du haut de leurs coupoles, tendu leurs grandes oreilles pour déceler dans ce mouvement un son même infime. Aujourd’hui que je vis dans le silence du confinement, délivré du tintamarre des voitures, du grondement des avions, du sifflement des trains, du crépitement des marteaux-piqueurs, j’ai enfin trouvé la réponse. J’ai entendu ce son imperceptible surgissant de loin, pareil à celui des ailes d’un moulin propulsées par le vent. Il faudrait inventer un mot pour qualifier ce son car ceux qui existent (bruit, brouhaha, détonation, frémissement, bruissement, que sais-je encore ?) ne peuvent rendre compte de sa dimension cosmique. On se croyait enfermé et on entend enfin le son de l’univers.

 

Penché à ma fenêtre je ne me lasse pas de l’écouter. Ceux qui vénèrent le silence absolu doivent avoir de mauvaises oreilles. Comme un début de surdité. Car derrière ce silence, il y a, surgissant des confins, un bruit, comme une rumeur, celle de la terre qui nous parle. « Allo, ici la terre. Vous m’entendez ? » Cette voix, si on ce concentre un peu, oui, on la reçoit mais il suffit d’un rien, du vent dans les arbres, des pleurs d’un enfant, pour qu’elle s’estompe et disparaisse. Le gazouillis des oiseaux peut lui aussi nous étourdir surtout lorsqu’il fête le retour de l’air pur qu’on pensait disparu. Sans parler du vol des canards retrouvant l’eau des fleuves devenue claire. Les sirènes des ambulances déchirant le jour ou la nuit abolissent tous les sons qui prétendraient rivaliser avec elles. A ce moment on n’entend plus qu’elles qui nous parlent d’urgences, de vie et de mort. Après leur passage, se succèdent les chiffres qu’égrène la voix neutre de la radio : nombre d’hospitalisés, nombre de cas infectés, nombre de personnes en réanimation, nombre de morts.

 

Mais quand revient ce que les sourds appellent le grand vide du silence, il se comble aussitôt par ce son inédit, qui est celui de la terre dans son inlassable rotation transformant la lumière en crépuscule qui lentement s’évanouit dans la nuit et confirmant que le temps que l’on pensait à l’arrêt n’a pas un instant cessé de tourner.

 

La terre, à force d’y habiter, on l’avait oubliée. On avait sans y penser saccagé ses forêts, mutilé ses animaux, abîmé ses champs, pollué ses rivières et ses mers. Et voilà que soudain, à la faveur d’une molécule invisible, la terre se rappelle à nous, au temps lointain où la nature se laissait contempler dans son infinie sauvagerie, où point besoin n’était d’escalader des cimes pour respirer l’air pur ou atteindre des glaciers pour découvrir une eau limpide. La terre réinvente la mémoire nous pressant de nous rappeler ce que nous n’avons pas connu. Elle nous dit et redit cette évidence qu’elle était là bien avant nous, point minuscule se mouvant dans l’univers. Elle a sur les êtres humains que nous sommes bien plus que quelques longueurs d’avance dans la conscience de ce qui fut, elle qui a résisté aux glaciations, aux secousses telluriques, elle qui a vu son propre sol s’ouvrir, se fracturer, exploser dans les vapeurs incandescentes. La terre, quoi qu’il arrive, survivra à ses habitants. C’est sans doute cette certitude qui nous empêche de dormir la nuit. Elle continuera de tourner quand bien même il n’y aurait plus personne penché à sa fenêtre pour écouter le son lointain de sa rotation.

Jean-Luc Outers

 

Lisette Lombé

 

Parmi les tristes, je me tiens debout.

Pas moins triste que les autres, juste capable de t’invoquer à travers nos larmes, debout.

 

Te sens-tu apaisé.e là où tu te trouves à présent?

Es-tu entouré.e des personnes que tu voulais retrouver?

Cet endroit est-il aussi doux qu’on ne l’apprend aux enfants?

Tes souffrances passées ont-elles été effacées de ta mémoire?
Les mots « Grand Amour de ma vie » ont-ils encore un peu de sens pour toi là-bas ?

Restes-tu rassasié.e de ton passage parmi nous?
Te souviens-tu de nous?

Nous entends-tu? Nous vois-tu?

 

Nous avons tellement besoin de savoir que tu es arrivé.e à bon port.
Tellement besoin de savoir que tu n’es pas seul.e et que tu n’as pas froid.
Tellement besoin d’un OUI.
Pas forcément là maintenant, pas forcément à notre oreille.
Juste un petit OUI.
Même dans une porte qui semblera claquer sans vent.
Même dans un cadre qui semblera avoir bougé de quelques millimètres.
Même dans une brindille, une fleur, une fumée, un pépiement, une aube, une pluie.

 

Choisis ton signe, choisis ton baiser mais dis-nous OUI.

Charles Ducal : « Sauf toi »

 

Ta mort fait la Une. Décomptée comme décès

parmi tant d’autres, un nombre désespéré

où je te perds, une langue étrangère

où je dois te partager.

 

Je te veux seule. Attrape cette corde,

elle va jusqu’au fond, attrape-la

que je te remonte vers la lumière.

Je veux poser ma main sur tes yeux :

 

viens, lève-toi, voici tes vêtements,

tes chaussures, mets-les, je veux que tu

rebrousses tout le chemin d’où je t’ai perdue

jusqu’où je t’ai trouvée.

 

Chaque pas, chaque geste, chaque seconde

je les veux de retour : ta main sur la table, ton cri

à travers la maison, ton rire dans mon dos,

ta trace dans ma trace sur le drap.

 

C’est impossible, je le sais, mais il le faut.

 

Dès que la voie est libre, je te laisse partir.

Je te suis des yeux. Tu ne rencontres personne.

Aussi longtemps que je regarde, personne

aujourd’hui n’est mort,

 

sauf toi.

 

Traduction : Danielle Losman

Het gedicht in het Nederlands

Milady Renoir : « En deux temps »

 

Aller de l’avant

Souvent vite

Souvent trop

 

Chantiers, grues, étages

Les pelles, les sueurs,

Les salives, les truelles

Poisse, poussières, systole

 

Aller de l’avant

Souvent serrer les dents

Souvent serre les fesses

 

Compiler, s’étendre

Les projets, des enfants,

Sans projets, sans enfants,

Fonder, confondre

 

Aller de l’avant

Des questions trop vite

Des réponses jamais assez

 

Du hors piste, ou des fausses

Chercher du semblable

S’incliner pour du probable

Crescendo, fortissimo

 

Aller de l’avant

Ivresses, vérités, grêles,

Réflexes, ellipses, prodiges

 

Chiens de…

fusil

paille

faïence

Aux aguets
La vie aboie

Aux aguets
La vie aboie

 

Aller de l’avant

(…)
ellipse

ton départ, le vrai.

 

La douleur mord.

 

je marche je me pose j’angoisse

je me recoiffe je ressasse

chaque vêtement je défroisse

chaque inconvénient je délasse

 

je baisse le front

je pleure des cils
j’écris sur la stèle

j’écarte mes côtes

je réclame de l’air

je vois tes pas sur le seuil

je suis garde-barrière

je filme notre hors-champ
je bois mon trouble

j’imprime les souvenirs

j’agrafe les silences

je scotche ton dernier sourire

je vague d’avant en arrière

 

Cri ?

Blasphème ?

Rage ?
Questions ?

Doutes ?

 

Dans la nuit

Le loup se détourne

L’effraie s’effarouche

La biche close ses yeux

Le chagrin sort du bois.

 

(…)

 Aller de l’avant ?

 

Mon cœur ouvre une clairière

A chaque avant, un après
Que la terre te soit légère

Ton amour est engrais.

 

 

 

(Poème à découper selon le.s fragment.s qu’on veut garder)

 

Béatrice Renard : « Le plus difficile »

 

Le plus difficile, c’est le ciel bleu, immense et joyeux,

et même s’il pleut,

le plus difficile, ce sont les chants des oiseaux de printemps, pépiements, roucoulements, et même chassés par le vent,

le plus difficile, ce sont les rires des enfants, cris, jeux, cavalcades,

dans les maisons et les appartements,

et même si on les fait taire,

le plus difficile c’est la vie qui palpite et poursuit son tumulte,

quand là-haut, là-bas, ici, juste là, l’Autre qu’on aimait s’en va,

subitement, alors qu’on ne s’y attendait pas,

et c’est ça le plus difficile,

l’Autre qu’on aimait tant,

emporté par une vague invisible et sournoise,

et même si soudain, ailleurs, d’Autres s’en vont aussi,

si partout l’azur se déchire,

si les pouillots s’envolent,

si les gamins du monde entier s’arrêtent de jouer,

chacun versant des larmes,

le plus difficile,

c’est de trouver le calme à l’intérieur de son chagrin,

apprivoiser l’absence en urgence,

le plus difficile, vraiment,

c’est de jouer en soi la musique des mots qui apaisent

alors que l’Autre qu’on aimait s’en va,

et c‘est si difficile d’entendre le silence,

mais quand on tend l’oreille,

et cela prend du temps,

il y a comme un chuchotement,

on ne veut pas y croire,

et pourtant, on finit bien par reconnaître,

timide et douloureux,

le murmure de l’Autre qui s’en va,

et c’est vrai que c’est difficile,

mais au bout d’un moment,

on entend gazouiller les souvenirs,

petits bonheurs et grandes joies,

précieux cadeaux de l’Autre qui s’en va.

 

Anne Penders : « Myosotis »

N’être plus là

Être ailleurs

Être encore

 

 

C’est une voix parmi toutes

Un sourire, une colère

Tout ce qui reste

L’envie tenace

Le souvenir comme force

Et quelques gestes

 

Poussière mêlée de terre, pétales bleus

Dans la lumière du printemps

Que demain soit moins seul, moins loin

 

Semences persistantes, plantes vivaces

Les pensées sont des fleurs de saisons

Sauvages elles poussent et repoussent,

Continuent le combat

 

C’est une voix parmi les autres

Un chant qui s’élève

Habite la vie

De nos rages entières

 

Souffle sur la braise

Danse autour du feu

Partout la mémoire

Nous accompagne

 

We won’t forget.

Elke de Rijke : « Environnement »

Et que je savais que j’étais celui à qui il était décrété

d’être à tes côtés,

et que tu le savais aussi, bien que ne connaissant pas

mon visage,

latéralement hors de ta vue

ou derrière toi, sur ton épaule,

Et comme je suis cousu à toi par l’âme

dont je ressens les couleurs et les modulations,

me voici ici aussi effaré que toi

qui étais si fort et si droit,

ne sachant moi-même ton heure qui, ici, est venue ―

 

corps tombe en arrière dans un trou,

meurtri et encore chaud et solide mais ne

sait plus bouger les bras,

à peine mort,

suis-(je) mort,

les blessures sèchent leur sang et les yeux

ne voient rien dans

visage décédé sur sa nuque,

à la vitesse de la lumière pensée est privée de

corps,

et corps toujours

est aspiré dans une noirceur insondable bien qu’inondé par un éclat ―

 

Ahuri,

Accouru d’ailes noires aussi larges que croissantes du noir

pour que ta chute ne soit pas seule

mais soutenue,

mes mains te rassurant

que tu n’es pas seul

dans cet acheminement vers

Mais ne puis cacher mon effarement

dans ma bouche entr’ouverte de larmes et mes yeux

traversés de sels

baignant dans des poches ―

 

à une main si fine, féminine, corps léger

retient qui fut mon corps de bras musclés,

est-ce oreiller de plumes dans gravité de plomb,

peut-être frôlement d’ailerons,

douceur inespérée, puissance agile aérienne

et adossement de cou contre qui fut mon cou,

effleurement de plis coloriés

aux côtés comme si

soupir ―

 

suis avec toi dans cette tombée

mon apparence ne verras pas, mais sentiras autour (de toi)

cette extension qui porte ―

relâche dans qui est transition

et livre-(toi) à mes mains

 

(Giorgione, le Christ mort soutenu par un ange (1507) /2020)