• Fleurs de funérailles

    POÈMES FUNÉRAIRES GÉNÉRAUX

« INDEX DES POÈMES DISPONIBLES

 

Taha Adnan : « Corona versus » (مقام العزل) (+vidéo)

Jean D’Amérique : « nuit lacrymale »

Hubert Antoine : « Réservez-moi un rêve »

Jan Baetens : « Nous te couvrons de larmes et de linges… »

Antoine Boute : « Partir c’est habiter radicalement partout… »

Eric Brogniet : « Rose noire » (+vidéo)

Carino Bucciarelli : « Mars 2020 »

Valérie Carbonnelle : « Toi qui as aimé »

Thierry-Pierre Clément : « Notre amour est avec toi »

Pierre Coran : « Devoirs »

Thibaut Creppe : « L’autre côté du soir » (+vidéo)

Serge Delaive : « Lacune » et « Pour la soif »

Aurélien Dony : « C’est jour de triste… » (+vidéo)

Claude Donnay : « Fleurs de funérailles »

Charles Ducal : « Sauf toi » (+vidéo)

Perrine Estienne : « Toucher » (+vidéo)

David Giannoni : « Il est un fleuve pour nous toutes… »

Leo Gillessen : « La nuit est claire… »

Aliette Griz : « De quoi avez-vous besoin pour ce voyage ?… » (+vidéo)

Corinne Hoex : « Le pays lointain » (+vidéo) et « La dernière neige »

Peter Holvoet-Hanssen : « Chant de grenouilles »

Maud Joiret : « Nous avons dit aux heures… »

Gioia Kayaga : « Turi Kumwe (On est ensemble) » (+vidéo)

Jessy James LaFleur : « Ein Ort namens Ewigkeit »

Caroline Lamarche : « Poème pour ne pas partir seul » (« Poem against lonely departures » ; « Poema para no irse solo » ; « Poesia per non andarsene soli » ; « Yalnız ayrılmamak için şiir » ; « Poema para não ir sozinho ») (+vidéo)

Werner Lambersy : « Je n’étais pas là… » (+vidéo)

Soline de Laveleye : « Toi qu’embrasse la lumière »

Pascal Leclercq : « Reste la vie que j’avais cru si douce… » (+vidéo)

Philippe Leuckx : « Prières, poèmes »

Béatrice Libert : « Ce matin-là » et « Paroles du soir »

Françoise Lison-Leroy : « Tant de choses à te dire… »

Karel Logist : « Comment se tenir là pour te dire au revoir?… » (+vidéo)

 

Lisette Lombé : « Parmi les tristes, je me tiens debout… » (+vidéo)

Jean Loubry : « Puisque… »

Veronika Mabardi : « Tu n’es pas loin, non… » (+vidéo)

Manza : « Il y a ceux qui partent trop tôt… »

Dominique Massaut : « Habiter les autres »

Paul Mathieu : « Assis au seuil… »

Christian Merveille : « On n’aurait jamais pu imaginer cela » (+vidéo)

Serge Meurant : « Dans l’ignorance de ce qu’il vécut… »

Yves Namur : « (Un poème de circonstance) » (« (Poem for the occasion) » ; « (Poema de circunstancias) »)

Carl Norac : « Fleurs de funérailles » (« Flores funerarias » ; « Flowers for a funeral »  ; « Flores de funeral » ; « Cenaze çiçekleri »

Lucien Noullez : « Qui pousse dans le dos ?… »

Lucie Niclaes : « L’ange-nuit »

Tom Nisse : « Prières »

Colette Nys-Mazure : « Nous allons sans savoir… »

Jean-Luc Outers : « Le son de la terre » (+vidéo)

Anne Penders : « Myosotis »

Francesco Pittau : « Tu es là… »  (+vidéo) et « Je n’ai pas pleuré sur ta tombe… »

Béatrice Renard : « Le plus difficile » (+vidéo)

Milady Renoir : « En deux temps » (+vidéo)

Elke de Rijke : « Environnement »

Laurent Robert : « Consolation contre le temps »

Marie-Clotilde Roose : « Est-ce que Tu nous attends ?… »

Timotéo Sergoi : « Les valises » (+vidéo)

Peter Theunynck : « Bonne nébuleuse » (+vidéo) et « Les esquimaux »

Jérémie Tholomé : « On laisse »

Vincent Tholomé : « Le grand partage » (‘The great divide ») (+vidéo)

Jean-Pierre Verheggen : Mort où est ta victoire? (+vidéo)

Anne Versailles : « Ce matin, j’ai changé l’eau des fleurs… » (et traduction espagnole) (+vidéo)

Laurence Vielle : « Au revoir… » (et traductions espagnole, turque, flamande et anglaise) (+vidéo)

Pierre Warrant : « Que reste-t-il… »

 

 

Avec le soutien de la Loterie Nationale et ses joueurs.

 

 

 

Thierry-Pierre Clément : « Notre amour est avec toi »

merci

merci pour ton amour donné

ta vie

bougie fragile soufflée par le vent

 

flamme pourtant du même feu

que le puissant soleil

il n’épuise pas sa chaleur

ni l’éclat blanc de sa lumière

 

va maintenant

va

puisqu’il faut bien partir

et nous laisser sur cette rive

 

mais au-dessus de ta barque

qui traverse le fleuve

un oiseau blanc perce le ciel

et montre le chemin

 

il porte sur ses ailes

ce feu qui ne s’éteint pas

va maintenant

va en paix

 

notre amour est avec toi

Pierre Coran : « Devoirs »

Quand l’âge vous résout à vivre

Une vie en lieu partagé,

Le sort jamais ne vous délivre

Un passe pour l’éternité.

Le jour où la vague se brise,

Départ, douleur ne font plus qu’un,

Le temps que le cœur s’autorise,

Au seuil des lendemains,

Par-delà les vents, les embruns

Et à l’issue des convenances,

À préserver la souvenance

De ce qui engendra l’hier.

La lampe qui s’éteint

A la satisfaction d’avoir été lumière.

Colette Nys-Mazure

Nous allons sans savoir, obscurcis et chancelants. Ta main ne soutient plus la nôtre et ta voix est si basse que nous ne l’entendons plus. Nous interrogeons les murs et les nuages. A qui adresser les reproches, les insultes qui nous échappent : pourquoi elle ? Pourquoi si tôt ? Et nous ? Et moi ?

Nous nous cognons aux questions sans interlocuteur. Nous marchons cependant, comme elle avançait. On a parlé d’une lueur, d’une clarté, le troisième jour.

L’espérance est chevillée à la douleur.

Poèmes-vidéos

 

 

Une initiative du Soir et du Poète National

 

Index :

Maya Racha lit Taha Adnan : lire le texte (+ accès vidéo)

Manuela Sanchez lit Eric Brognet : lire le texte (+ accès vidéo)

Laurie Degand lit Thibaut Creppe : lire le texte (+ accès vidéo)

Almamy Barry lit Véronique Daine : lire le texte (+ accès vidéo)

Antoine Cogniaux lit Aurélien Dony : lire le texte (+ accès vidéo)

Thierry Hellin lit Charles Ducal : lire le texte (+ accès vidéo)

Babetida Sadjo lit Aliette Griz : lire le texte (+ accès vidéo) 

Benoît Verhaert lit Gioia Kayaga : lire le texte (+ accès vidéo)

Thierry Hellin lit Corinne Hoex : lire le texte (+ accès vidéo)

Isabelle De Hertogh lit Caroline Lamarche : lire le texte (+ accès vidéo)

Pietro Pizzuti lit Werner Lambersy : lire le texte (+ accès vidéo)

Alexandre von Sivers lit Pascal Leclercq  : lire le texte (+ accès vidéo)

Adia Panteleeff lit Karel Logist : lire le texte (+ accès vidéo)

Fabrizio Rongione lit Lisette Lombé : lire le texte (+ accès vidéo)

Jean Luc Piraux lit Veronika Mabardi : lire le texte (+ accès vidéo)

Marie Paule Kumps lit Christian Merveille : lire le texte (+ accès vidéo)

Françoise Gillard lit Yves Namur : lire le texte (+ accès vidéo)

Pietro Pizzuti lit Carl Norac : lire le texte (+ accès vidéo)

Marianne Basler lit Jean-Luc Outers : lire le texte (+ accès vidéo)

Florence Hebbelynck lit Francisco Pittau : lire le texte + accès vidéo)

Jessica Fanhan lit Béatrice Renard : lire le texte (+ accès vidéo)

Marie Paule Kumps lit Milady Renoir : lire le texte (+ accès vidéo)

Bernard Yerlès lit Timotéo Sergoï : lire le texte (+vidéo)

Adia Panteleeff lit Peter Theunynck : lire le texte (+ accès vidéo)

Nicolas Buysse lit Vincent Tholomé : lire le texte (+ accès vidéo)

Hélène de Saint-Père lit Anne Versailles : lire le texte (+ accès vidéo)

Benoît Verhaert lit Laurence Vielle : lire le texte (+ accès vidéo)

Eliot Jenicot lit Jean-Pierre Verheggen : lire le texte (+ accès vidéo)

 

Bernard Yerlès lit Timotéo Sergoï : lire le texte

 

Maya Racha lit Taha Adnan : lire le texte

 

Thierry Hellin lit Charles Ducal : lire le texte

 

Pietro Pizzuti lit Carl Norac : lire le texte

 

Benoît Verhaert lit Laurence Vielle : lire le texte

 

Babetida Sadjo lit Aliette Griz : lire le texte

 

Françoise Gillard lit Yves Namur : lire le texte 

 

Eliot Jenicot lit Jean-Pierre Verheggen : lire le texte

 

Laurie Degand lit Thibaut Creppe : lire le texte

 

Antoine Cogniaux lit Aurélien Dony : lire le texte 

 

Almamy Barry lit Véronique Daine : lire le texte 

 

Manuela Sanchez lit Eric Brognet : lire le texte

 

Nicolas Buysse lit Vincent Tholomé : lire le texte

 

Marie Paule Kumps lit Christian Merveille : lire le texte

 

Hélène de Saint-Père lit Anne Versailles : lire le texte

 

Fabrizio Rongione lit Lisette Lombé : lire le texte 

 

Florence Hebbelynck lit Francesco Pittau : lire le texte

 

Isabelle De Hertogh lit Caroline Lamarche : lire le texte

 

Jean Luc Piraux lit Veronika Mabardi : lire le texte

 

Benoît Verhaert lit Gioia Kayaga : lire le texte

 

Jessica Fanhan lit Béatrice Renard : lire le texte

 

Thierry Hellin lit Corinne Hoex : lire le texte 

 

Adia Panteleeff lit Karel Logist : lire le texte

 

Alexandre von Sivers lit Pascal Leclercq : lire le texte

 

Marianne Basler lit Jean-Luc Outers : lire le texte 

 

Pietro Pizzuti lit Werner Lambersy : lire le texte

 

Adia Panteleeff lit Peter Theunynck : lire le texte

 

Marie Paule Kumps lit Milady Renoir : lire le texte

 

Lire l’article : ici

 

 

Une initiative du Soir.

 

 

Avec le soutien de la Loterie Nationale et ses joueurs.

 

Soline de Laveleye : « Toi qu’embrasse la lumière »

Nous sommes ceux que la lumière côtoie

et que l’ombre talonne,

en migration, nous sommes

les passants d’une histoire qui trébuche.

 

Et le souffle en visite

dans les chambres du cœur

entre par la porte, sort par la fenêtre.

 

Tu as rejoint l’ouvert.

 

Il ne reste que le vent et les arbres

pour passer nos appels,

le silence tout autour

où ta voix s’est défaite.

 

Ce silence est une mer

où nous nous tenons tous,

les uns aux autres

nous tenons.

 

Les mains devant

pour la traversée,

il faudra remonter des brassées de sel,

chercher en aveugle le fil d’un rivage,

la branche d’une parole, l’ombre d’un signe,

un battement un grelot une source,

 

que la douleur allume un ciel

et nos constellations gardent trace de toi.

Jessy James LaFleur : « Ein Ort namens Ewigkeit »

 

Jenseits des Randes der Welt gibt es einen Raum, in dem sich Leere und Substanz sauber
überschneiden.
In einem rastlosen Schwebezustand bilden Zukunft und Vergangenheit eine endlose Schleife,
in der Zeichen bestehen, die niemand jemals gelesen hat,
Akkorde, die niemand jemals gehört hat.
Ein Nicht-Ort, der sich chaotisch ausbreitet und die schwersten Emotionen in sich vereint.
Ein Nicht-Ort an dem man sich findet, weil man sich woanders so schrecklich verloren fühlt.
Ein Nicht-Ort namens Trauer, wo man trauerweidend Wurzeln zu schlagen scheint und doch
verliert man den Boden unter den Füßen, weil du nicht länger unter uns weilst.

 

Wo bist du hin, wer hat dich davon getragen, warst du nicht eben noch hier?
Du hinterlässt eine Leere, die nichts zu füllen vermag, eine Schwere,
die jeden neuen Tag in Frage stellt.
Irgendwas läuft hier schief, irgendwas ist anders, ich fühle mich gefangen zwischen
Wunschvorstellungen und bitteren Tatsachen.
Mein Körper verliert sich in einem Beben, ich lös mich darin auf.
Verpackt in tausend Tränen fließen stillschweigend Schreie aus mir heraus.

 

Das ist zwangsläufig nicht unlebendig, denn jedes Leben ist endlich, aber die Gegenwart ohne
dich fühlt sich so schrecklich schleppend an.
Minuten, die sich zu Stunden dehnen, Tage die nicht mehr vergehen, gefangen in einem dunklen
Raum-Zeit-Kontinuum, summa summarum das Schlimmste, was uns Hinterbliebenen passieren
musste.

 

Denn jetzt ist da so viel Raum, so viel Raum Dinge in Worte zu fassen, die man so lange von sich
weggeschoben hat.
Man ertappt sich beim Festhalten an Erinnerungen, die langsam verblassen.
Man ertappt sich beim Loslassen, um Patz zu machen für neue Gedanken, während man nicht
aufhören kann zu vermissen.
Dich zu vermissen.
“Hallo, hörst du mich?”.

 

Aber wir arrangieren uns, weil wir es müssen, kommen an in der neuen Welt ohne dich,
die sich so schrecklich langsam dreht, das Zeit dehnbar scheint.
Zeit, die sich auflöst, weil man dich gehen lassen muss und du trotzdem bleibst.

 

Und genau das ist die Utopie,
dass wir nie wieder zusammenfinden werden an einem reellen Ort.
Weil da kein Ort mehr ist, an dem wir uns wiederfinden werden,
nur dieser Nicht-Ort gefüllt mit unendlichen vielen Ängsten und Hoffnungen.
Ein Nicht-Ort, den wir nicht länger aufrecht halten können.

 

Meine Tränen prallen auf den Boden, wie Regen auf Asphalt.
Aber wenn man die Augen zumacht, klingt der Regen wie Applaus, der von hier aus bis ins
Jenseits hallt.
Ein letzter Applaus für dich, das letzte Mal im Scheinwerferlicht, weil der letzte Vorhang fällt.
Da fliegst du nun dem Himmel entgegen und meine Hand, die dich hält,
aber nicht länger nach dir greifen kann.
Also lasse ich dich gehen, wünsche dir das Beste für deine letzte Reise, und flüstere ein leises
“Bis bald!”
Atme dich ein, um mich auszuatmen,
so tief das die Lungen brennen,
und sende eine Nachricht an mein Herz, weil ich weiß dass deine Nähe dort niemals endet.
In meiner Brust, meiner Seele so nah, nie weit entfernt,
Dort erreichen dich all meine Worte, die ich dir noch so gerne sagen wollte.
Denn jenseits des Randes der Welt gibt es einen Raum, in dem du mich ewig begleitest.
Ein Nicht-Ort, der dich auf ewig leben lässt.
Einmal wird alles ganz anders, aber meine Liebe hält dich fest.

Un endroit qui s’appelle éternité

Adaptation libre par Jessy James LaFleur

 

Au-delà du bord du monde il y a un espace,
où le vide et la substance se croisent parfaitement.
Dans un état de suspension agité,
l’avenir et le passé forment une boucle sans fin,
dans laquelle il y a des signes, que personne n’a jamais lus,
des accords que personne n’a jamais entendus.

 

Un non-lieu qui se propage de façon chaotique et combine les émotions les plus lourdes.
Un non-endroit où nous nous retrouvons emballés dans le vide,
car ailleurs nous nous sentons terriblement perdus.
Un non-lieu qui s’appelle deuil, enraciné dans la tristesse,
et pourtant la terre se dissout sous nos pieds,
parce que tu n’es plus avec nous.

 

Où es-tu allé?
Qui t’a emporté?
Tu étais ici, il y a quelques instants à peine.
Tu as laissé un vide immense, absolument rien ne peut le remplir,
une gravité qui remet en question chaque nouveau jour et la définition du mot vérité!

 

Quelque chose ne va pas, quelque chose est différent!
Je me sens incarcéré entre un vœu pieux et des faits torturant.
Quelque chose ne va pas, quelque chose est différent!
Mon corps se perd dans un tremblement de terre, je m’y dissous.
Emballé dans de milliers de larmes, seul un cri silencieux sort de mon cou.

 

Le moment n’est pas nécessairement inanimé,
car il sonne à chaque seconde la fin d’une vie,
mais le présent sans toi semble tellement lent.
Des minutes qui s’étirent en heures, des jours qui ne passent plus,
pris au piège dans un continuum espace-temps sombre,
le pire qui ait dû arriver aux survivants.

 

Tout d’un coup, il y a tellement d’espace, sans toi il reste tellement de place!
Et il faudrait des jours,
des semaines,
des mois peut-être pour passer au crible tous les vestiges du passé,
qui sont hébergés et protégés ici.
Les souvenirs qui s’estompent jusqu’à la disparition.

 

Nous lâchons prise et ouvrons-nous au silence intérieur,
pour faire place à de nouvelles choses.
Pourtant, le manque reste sans cesse,
tu nous manques tellement!
« Allo, est-ce que tu m’entends? »

 

Nous en arrivons à un arrangement provisoire,
parce que nous le devons.
Nous arrivons dans le nouveau monde sans toi,
un monde qui ne tourne plus,
le temps s’est arrêté.
J’suis enfin prête à te laisser partir…
…mais tu restes quand même.

 

Et c’est exactement ça, l’utopie;
Que nous ne nous retrouverons plus jamais dans un endroit réel.
Seulement dans ce non-lieu, rempli de peurs et d’espoirs infinis,
un non-lieu que nous ne pouvons plus maintenir.

 

Mes larmes tombent comme de la pluie sur l’asphalte.
Mais si tu fermes les yeux,
la pluie sonne comme des applaudissements qui résonnent d’ici à l’au-delà.
Un dernier applaudissement pour toi,
la dernière fois,
car le dernier rideau tombe.

 

Levant mes yeux vers le ciel,
je te vois t’envoler.
Lâche ma main, car je ne peux plus tenir la tienne.
Je te souhaite le meilleur pour ton dernier voyage,
et je murmure un doux « à plus tard!”.

 

Je t’inspire pour expirer ma douleur,
si profondément que mes poumons brûlent.
Et là j’envoie un message à mon cœur,
car dans cet endroit ta proximité ne se terminera jamais.
Dans ma poitrine, si près de mon âme, jamais très loin toi.
Là-dedans je trouve tous les mots que je voulais te dire,
que je n’avais jamais su auparavant.
Parce qu’au-delà du bord du monde,
il y a un espace dans lequel tu m’accompagneras pour toujours.

 

Un non-lieu qui te permet de vivre éternellement.

 

Un jour tout sera différent,
mais mon amour te tient…
…ton amour me rend vivant!

 

 

Jean-Luc Outers : « Le son de la terre »

 

 

Est-ce que la terre tourne sur elle-même en silence ? J’ai toujours eu le sentiment que sa rotation se faisait sans le moindre bruit. Je parle de sentiment car j’avoue n’avoir pas étudié la question. Sans doute que les astronomes ont, depuis longtemps du haut de leurs coupoles, tendu leurs grandes oreilles pour déceler dans ce mouvement un son même infime. Aujourd’hui que je vis dans le silence du confinement, délivré du tintamarre des voitures, du grondement des avions, du sifflement des trains, du crépitement des marteaux-piqueurs, j’ai enfin trouvé la réponse. J’ai entendu ce son imperceptible surgissant de loin, pareil à celui des ailes d’un moulin propulsées par le vent. Il faudrait inventer un mot pour qualifier ce son car ceux qui existent (bruit, brouhaha, détonation, frémissement, bruissement, que sais-je encore ?) ne peuvent rendre compte de sa dimension cosmique. On se croyait enfermé et on entend enfin le son de l’univers.

 

Penché à ma fenêtre je ne me lasse pas de l’écouter. Ceux qui vénèrent le silence absolu doivent avoir de mauvaises oreilles. Comme un début de surdité. Car derrière ce silence, il y a, surgissant des confins, un bruit, comme une rumeur, celle de la terre qui nous parle. « Allo, ici la terre. Vous m’entendez ? » Cette voix, si on ce concentre un peu, oui, on la reçoit mais il suffit d’un rien, du vent dans les arbres, des pleurs d’un enfant, pour qu’elle s’estompe et disparaisse. Le gazouillis des oiseaux peut lui aussi nous étourdir surtout lorsqu’il fête le retour de l’air pur qu’on pensait disparu. Sans parler du vol des canards retrouvant l’eau des fleuves devenue claire. Les sirènes des ambulances déchirant le jour ou la nuit abolissent tous les sons qui prétendraient rivaliser avec elles. A ce moment on n’entend plus qu’elles qui nous parlent d’urgences, de vie et de mort. Après leur passage, se succèdent les chiffres qu’égrène la voix neutre de la radio : nombre d’hospitalisés, nombre de cas infectés, nombre de personnes en réanimation, nombre de morts.

 

Mais quand revient ce que les sourds appellent le grand vide du silence, il se comble aussitôt par ce son inédit, qui est celui de la terre dans son inlassable rotation transformant la lumière en crépuscule qui lentement s’évanouit dans la nuit et confirmant que le temps que l’on pensait à l’arrêt n’a pas un instant cessé de tourner.

 

La terre, à force d’y habiter, on l’avait oubliée. On avait sans y penser saccagé ses forêts, mutilé ses animaux, abîmé ses champs, pollué ses rivières et ses mers. Et voilà que soudain, à la faveur d’une molécule invisible, la terre se rappelle à nous, au temps lointain où la nature se laissait contempler dans son infinie sauvagerie, où point besoin n’était d’escalader des cimes pour respirer l’air pur ou atteindre des glaciers pour découvrir une eau limpide. La terre réinvente la mémoire nous pressant de nous rappeler ce que nous n’avons pas connu. Elle nous dit et redit cette évidence qu’elle était là bien avant nous, point minuscule se mouvant dans l’univers. Elle a sur les êtres humains que nous sommes bien plus que quelques longueurs d’avance dans la conscience de ce qui fut, elle qui a résisté aux glaciations, aux secousses telluriques, elle qui a vu son propre sol s’ouvrir, se fracturer, exploser dans les vapeurs incandescentes. La terre, quoi qu’il arrive, survivra à ses habitants. C’est sans doute cette certitude qui nous empêche de dormir la nuit. Elle continuera de tourner quand bien même il n’y aurait plus personne penché à sa fenêtre pour écouter le son lointain de sa rotation.

Jean-Luc Outers

 

Lisette Lombé

 

Parmi les tristes, je me tiens debout.

Pas moins triste que les autres, juste capable de t’invoquer à travers nos larmes, debout.

 

Te sens-tu apaisé.e là où tu te trouves à présent?

Es-tu entouré.e des personnes que tu voulais retrouver?

Cet endroit est-il aussi doux qu’on ne l’apprend aux enfants?

Tes souffrances passées ont-elles été effacées de ta mémoire?
Les mots « Grand Amour de ma vie » ont-ils encore un peu de sens pour toi là-bas ?

Restes-tu rassasié.e de ton passage parmi nous?
Te souviens-tu de nous?

Nous entends-tu? Nous vois-tu?

 

Nous avons tellement besoin de savoir que tu es arrivé.e à bon port.
Tellement besoin de savoir que tu n’es pas seul.e et que tu n’as pas froid.
Tellement besoin d’un OUI.
Pas forcément là maintenant, pas forcément à notre oreille.
Juste un petit OUI.
Même dans une porte qui semblera claquer sans vent.
Même dans un cadre qui semblera avoir bougé de quelques millimètres.
Même dans une brindille, une fleur, une fumée, un pépiement, une aube, une pluie.

 

Choisis ton signe, choisis ton baiser mais dis-nous OUI.

Charles Ducal : « Sauf toi »

 

Ta mort fait la Une. Décomptée comme décès

parmi tant d’autres, un nombre désespéré

où je te perds, une langue étrangère

où je dois te partager.

 

Je te veux seule. Attrape cette corde,

elle va jusqu’au fond, attrape-la

que je te remonte vers la lumière.

Je veux poser ma main sur tes yeux :

 

viens, lève-toi, voici tes vêtements,

tes chaussures, mets-les, je veux que tu

rebrousses tout le chemin d’où je t’ai perdue

jusqu’où je t’ai trouvée.

 

Chaque pas, chaque geste, chaque seconde

je les veux de retour : ta main sur la table, ton cri

à travers la maison, ton rire dans mon dos,

ta trace dans ma trace sur le drap.

 

C’est impossible, je le sais, mais il le faut.

 

Dès que la voie est libre, je te laisse partir.

Je te suis des yeux. Tu ne rencontres personne.

Aussi longtemps que je regarde, personne

aujourd’hui n’est mort,

 

sauf toi.

 

Traduction : Danielle Losman

Het gedicht in het Nederlands

Milady Renoir : « En deux temps »

 

Aller de l’avant

Souvent vite

Souvent trop

 

Chantiers, grues, étages

Les pelles, les sueurs,

Les salives, les truelles

Poisse, poussières, systole

 

Aller de l’avant

Souvent serrer les dents

Souvent serre les fesses

 

Compiler, s’étendre

Les projets, des enfants,

Sans projets, sans enfants,

Fonder, confondre

 

Aller de l’avant

Des questions trop vite

Des réponses jamais assez

 

Du hors piste, ou des fausses

Chercher du semblable

S’incliner pour du probable

Crescendo, fortissimo

 

Aller de l’avant

Ivresses, vérités, grêles,

Réflexes, ellipses, prodiges

 

Chiens de…

fusil

paille

faïence

Aux aguets
La vie aboie

Aux aguets
La vie aboie

 

Aller de l’avant

(…)
ellipse

ton départ, le vrai.

 

La douleur mord.

 

je marche je me pose j’angoisse

je me recoiffe je ressasse

chaque vêtement je défroisse

chaque inconvénient je délasse

 

je baisse le front

je pleure des cils
j’écris sur la stèle

j’écarte mes côtes

je réclame de l’air

je vois tes pas sur le seuil

je suis garde-barrière

je filme notre hors-champ
je bois mon trouble

j’imprime les souvenirs

j’agrafe les silences

je scotche ton dernier sourire

je vague d’avant en arrière

 

Cri ?

Blasphème ?

Rage ?
Questions ?

Doutes ?

 

Dans la nuit

Le loup se détourne

L’effraie s’effarouche

La biche close ses yeux

Le chagrin sort du bois.

 

(…)

 Aller de l’avant ?

 

Mon cœur ouvre une clairière

A chaque avant, un après
Que la terre te soit légère

Ton amour est engrais.

 

 

 

(Poème à découper selon le.s fragment.s qu’on veut garder)

 

Béatrice Renard : « Le plus difficile »

 

Le plus difficile, c’est le ciel bleu, immense et joyeux,

et même s’il pleut,

le plus difficile, ce sont les chants des oiseaux de printemps, pépiements, roucoulements, et même chassés par le vent,

le plus difficile, ce sont les rires des enfants, cris, jeux, cavalcades,

dans les maisons et les appartements,

et même si on les fait taire,

le plus difficile c’est la vie qui palpite et poursuit son tumulte,

quand là-haut, là-bas, ici, juste là, l’Autre qu’on aimait s’en va,

subitement, alors qu’on ne s’y attendait pas,

et c’est ça le plus difficile,

l’Autre qu’on aimait tant,

emporté par une vague invisible et sournoise,

et même si soudain, ailleurs, d’Autres s’en vont aussi,

si partout l’azur se déchire,

si les pouillots s’envolent,

si les gamins du monde entier s’arrêtent de jouer,

chacun versant des larmes,

le plus difficile,

c’est de trouver le calme à l’intérieur de son chagrin,

apprivoiser l’absence en urgence,

le plus difficile, vraiment,

c’est de jouer en soi la musique des mots qui apaisent

alors que l’Autre qu’on aimait s’en va,

et c‘est si difficile d’entendre le silence,

mais quand on tend l’oreille,

et cela prend du temps,

il y a comme un chuchotement,

on ne veut pas y croire,

et pourtant, on finit bien par reconnaître,

timide et douloureux,

le murmure de l’Autre qui s’en va,

et c’est vrai que c’est difficile,

mais au bout d’un moment,

on entend gazouiller les souvenirs,

petits bonheurs et grandes joies,

précieux cadeaux de l’Autre qui s’en va.

 

Anne Penders : « Myosotis »

N’être plus là

Être ailleurs

Être encore

 

 

C’est une voix parmi toutes

Un sourire, une colère

Tout ce qui reste

L’envie tenace

Le souvenir comme force

Et quelques gestes

 

Poussière mêlée de terre, pétales bleus

Dans la lumière du printemps

Que demain soit moins seul, moins loin

 

Semences persistantes, plantes vivaces

Les pensées sont des fleurs de saisons

Sauvages elles poussent et repoussent,

Continuent le combat

 

C’est une voix parmi les autres

Un chant qui s’élève

Habite la vie

De nos rages entières

 

Souffle sur la braise

Danse autour du feu

Partout la mémoire

Nous accompagne

 

We won’t forget.

Elke de Rijke : « Environnement »

Et que je savais que j’étais celui à qui il était décrété

d’être à tes côtés,

et que tu le savais aussi, bien que ne connaissant pas

mon visage,

latéralement hors de ta vue

ou derrière toi, sur ton épaule,

Et comme je suis cousu à toi par l’âme

dont je ressens les couleurs et les modulations,

me voici ici aussi effaré que toi

qui étais si fort et si droit,

ne sachant moi-même ton heure qui, ici, est venue ―

 

corps tombe en arrière dans un trou,

meurtri et encore chaud et solide mais ne

sait plus bouger les bras,

à peine mort,

suis-(je) mort,

les blessures sèchent leur sang et les yeux

ne voient rien dans

visage décédé sur sa nuque,

à la vitesse de la lumière pensée est privée de

corps,

et corps toujours

est aspiré dans une noirceur insondable bien qu’inondé par un éclat ―

 

Ahuri,

Accouru d’ailes noires aussi larges que croissantes du noir

pour que ta chute ne soit pas seule

mais soutenue,

mes mains te rassurant

que tu n’es pas seul

dans cet acheminement vers

Mais ne puis cacher mon effarement

dans ma bouche entr’ouverte de larmes et mes yeux

traversés de sels

baignant dans des poches ―

 

à une main si fine, féminine, corps léger

retient qui fut mon corps de bras musclés,

est-ce oreiller de plumes dans gravité de plomb,

peut-être frôlement d’ailerons,

douceur inespérée, puissance agile aérienne

et adossement de cou contre qui fut mon cou,

effleurement de plis coloriés

aux côtés comme si

soupir ―

 

suis avec toi dans cette tombée

mon apparence ne verras pas, mais sentiras autour (de toi)

cette extension qui porte ―

relâche dans qui est transition

et livre-(toi) à mes mains

 

(Giorgione, le Christ mort soutenu par un ange (1507) /2020)

Christian Merveille

 

On n’aurait jamais pu imaginer cela.

Et pourtant, c’est arrivé, voilà…

Il a fallu que tu partes comme ça,

sans que je sois auprès de toi.

 

Alors, – et tu m’excuseras –

mais , je voudrais, encore une fois,

– et je sais que tu ne m’en voudras pas – te retenir encore un peu en moi.

 

Quand tu seras en moi

je te prendrai la main,

j’effleurerai ton bras,

on s’enlacera

on s’embrassera

je te murmurerai tout bas

les mots que tu voudras

et quand les mots

seront vains, à la fin,

on se sourira

on se regardera

et dans cet ultime regard

te fermer les yeux

pour un dernier adieu.

 

Tu resteras en moi

le temps qu’il faudra.

Un instant, un moment,

juste un petit bout de temps

qui aura saveur d’éternité.

 

Ainsi, je pourrai te laisser aller

enfin délié, apaisé,

là où tu iras, sans moi,

là où tu es déjà

là où on se retrouvera

quand tu le voudras

près de toi,

au tréfonds de moi.

Taha Adnan : « Corona Versus »

 

Ne t’emballe pas épidémie

vas-y doucement

il n’est ici ni vaccin

ni remède

vas-y doucement, fléau

 

Nous, les vivants confinés

sur cette terre

journaliers de l’éternité provisoire

nous n’avons que les poèmes

– soupirs des mots –

que nous rédigeons

dans l’affliction du deuil

contre le désespoir

et l’effacement

 

À tout instant nous nous séparons

de cadavres stérilisés

de cercueils sans cortège

ni cérémonies funèbres

tandis que le virus mène

le monde consterné

vers un enfer invisible

vers un brasier sans fumée

 

Vous qui fuyez

la malédiction de la couronne

tribus de déguisés

masqués de mille couleurs

rentrez dans vos demeures

et mettez le verrou

recroquevillez-vous

tels des escargots

empêchés d’avancer

Distrayez-vous des menues inquiétudes

pour ce qui adviendra

et entrainez-vous au manque

 

Le temps n’est plus aux facéties

Le temps est à l’isolement

 

Retourne à ta caverne

humain

retourne à ton âge de confinement

retourne à ton terrier moderne

car le soleil d’avril est fallacieux

et dehors le printemps éclot

les bourgeons de la mort

Rentre et prends conscience

que l’univers tourne sans toi

et que l’enfer

n’est pas forcement

les autres

 

Tranquillise-toi, humanité,

la planète est fermée pour restauration

la vie un temps s’éclipsera

tel un soleil terni

aux rayons par la nue engloutis

Laissons s’assoupir le mystère de l’existence

dans le tiroir des secrets

et retranchons-nous

dans notre exil domestique

pour suivre ce scénario funèbre

jusqu’à ce que la terre reprenne son souffle

restons tranquilles pour un moment

peut-être long

et sourions, conciliants,

face à une éternité en poussière

 

Les lexiques nous égarent

Enchevêtrements de mots

le microscopique à l’essence des choses se mêle

nos chemins divergent

mais le mal se propage

sans différence aucune

entre indigent

sans toit

et tel prince

en son palais

 

Le temps n’est plus de murmurer

le temps n’est plus de se frôler

voici le temps de s’éloigner

Reprenons la mesure

de chacun de nos gestes

et du repos

telle une poignée d’obsédés

jouant à cache-cache

avec des micro-organismes aveugles

 

Le monde avance

les membres amorphes

les lèvres sèches

Les sentiments tuent

qu’on évite l’étreinte

qu’on se garde des baisers

car cet amour,

humain sentimental,

comme la guerre, est ruse

 

Le monde avance

bardé de ses conquêtes en éprouvettes

et des prophéties de microscope

lourd de ses guerres

de ses crimes

et des abjections du siècle

le monde avance vers son destin,

drapeaux en berne,

tandis qu’en sa débauche

le fléau sur les routes se vautre

et dévaste la Terre

sans un missile

sans un char

 

L’épidémie lance à la volée

ses couronnes mortuaires

dans un inquiétant et juste partage

pour que le berger soit au troupeau égal

de même l’auguste lignage

à la plus humble lignée

la religion à la secte

le royaume de chimère

à la république bananière

 

Nous nous installerons tous

dans notre lâcheté naturelle

et nous nous efforcerons à une vie inerte

sans funérailles, sans noces,

nous nous efforcerons au confinement

pour consigner jusqu’au souffle dernier

le râle de la terre,

éructant les déchets

nous lèverons le regard vers les cieux

vidés de leurs oiseaux d’acier

et de l’oxyde de la civilisation

 

Ô contamination rampante

Laisse-nous du temps

pour faire la course avec la fin

vers un indéchiffrable destin

face à face avec l’invisible

avec un balbutiement de soldat vaincu

recrachant ses derniers bouts de rêves

sur la terre de vainqueurs barbares

nous crions : doucement Covid

doucement le couronné

il n’est ni vaccin

ni remède

mais seules, des élégies

pour dire adieu à nos aimés

les déclamant

ainsi

de loin.

 

Bruxelles, 5 avril 2020

 

Traduit de l’arabe par Mohamed Khmassi et Catherine Charruau

مقام العزل

طه عدنان

مهلًا أيّها الوباءْ

رُوَيْدَك

لا مَصْلَ هنا

لا دواءْ

مهلًا أيّها البلاءْ

نحن الأحياءَ المعزولين

على هذه الأرض

مُياومي الخلود المؤقّت

لا نملكُ سوى القصائدِ

– نحيبِ الكلماتْ –

ندبّجُها

بحسرة الثكالى

ضدّ الأسى

والفناءْ

نُوَدِّع في كل حينْ

جثامينَ معقّمةً

نعوشًا بلا مواكبَ

ولا مشيّعينْ

فيما الفيروس يقتادُ

العالَم الحزينْ

إلى جحيمٍ لامرئيّْ

إلى محرقةٍ بلا دخانْ

أيّها الفارّون

من لعنة التَّاجْ

يا قبائل الملثّمين

المكمّمين

من مختلف الألوانْ

ادخلوا مساكنَكُمْ

وأقفلوا الرِّتاجْ

تقَوْقَعوا على أنفسكمْ

مثل حلازين

ممنوعةٍ من الزّحف

تلهَّوْا بالهلع الخفيف

ممّا هو آتْ

وتدرّبوا

على الفقدانْ

لا وقت للهزل

هذا أوان العزلْ

عُدْ إلى كهفكَ

أيّها البشريّْ

عُدْ إلى عصركَ الحَجْريّ

عُدْ إلى جُحْركَ العصريّ

فشمس أبريل كاذبةٌ

والربيع

يُزْهِرُ الموت

في الخارج

عُدْ لِتَعي

أنّ الكون منتظمٌ

بدونك

وأنّ الآخرينْ

ليسوا حتمًا

هُمُ الجحيمْ

اهدئي أيتها البشرية

الكوكبُ مغلقٌ للتصليحْ

ستحتجِبُ الحياةُ قليلًا

مثل شمسٍ كَليلةٍ

تناهبَتْ أشعّتَها الغيومْ

فَلْنترك لغز الوجود

يغفو

في دولاب الأسرارْ

ولْنَرْكُن

إلى منفانا الدّاجن

نتابع هذا السيناريو الجنائزيّ

إلى أن تلتقط الأرض أنفاسها

لنهدَأْ لوهلةٍ قد تطولْ

وَلْنبتسم بِقَبولْ

في وجه أبديةٍ من غبارْ

تشابهت علينا القواميس

أمشاجُ الكلماتْ

فاختلط المجهريّ

بالجوهريّ

تفرّقت بنا السُّبلُ

واستشرَت العدوى

لا فرق بين فقيرْ

بلا مأوى

ولا ساكن القصر

ذاكَ الأميرْ

لا وقت للهمس

لا وقت للّمس

هذا زمن التباعُد

لِنُعِدْ تحديد المسافة

في الحَراكِ

وفي السكونْ

كأنّا حفنة ممسوسينْ

نلعب الغُمّيضة

مع جراثيم عمياءْ

العالم يتقدّم

بأطرافٍ ميّتةٍ

وشفاهٍ ناشفةٍ

من الرُّضابْ

المشاعر تقتل

فاجتنبوا الضّمّ

واتّقوا القبلاتْ

فهذا الحبُّ

كالحرب خدعةٌ

يا أيّها البشرُ العاطفيّْ

العالم يتقدّم

مدجّجًا بالفتوحات المَخْبرية

والنبوءات المِجْهرية

مثقلًا بالحروب

والخطايا

ورذائل القرنْ

العالم يتقدّم إلى مصيره

بأعلامٍ منكّسَةٍ

فيما الوباء

يعربد في الطرقاتْ

يجتاح الأرض

بلا صواريخ

ولا دبّاباتْ

الوباء

يوزّع أكاليل الموت

بالقسطاس المريعْ

ليستوي الراعي والقطيعْ

وتستوي السلالات الرفيعة

والسلالات الوضيعة

المِللُ والنِّحل

ممالِكُ الجَوْز

وجمهوريات الموزْ

سنسكن جميعًا

إلى جُبْنِنا الفطريّ

سنجرّب العيش الفاتر

بلا مآتِمَ ولا أعراسْ

سنجرِّبُ الانزواءْ

لنكتب

حتى الزفير الأخير

حشرجةَ الأرضِ

وهي تتجشأُ النفايات

ونرنو إلى السماء

وقد خَلَتْ

من طَيْرها المعدنيّ

ومن أكسيد الحضارةْ

أيّتها العدوى الزّاحفة

تمهّلي قليلا

دعينا نسابق النهاية

نحو مصير غامض

في مواجهة اللّامرئي

بتلعثم جنديّ مهزوم

يلفظ أوهامَهُ الأخيرةَ

على أرض برابرةٍ ظافرينْ

نهتف: مهلًا كوفيدْ

مهلًا يا صاحب التاجْ

ليس لنا مَصْلٌ

ولا علاجْ

سوى المراثي

في وداع الأحبّة

نلقيها

هكذا

من بعيدْ.

بروكسل 5 أبريل 2020

 

David Giannoni

Il est un fleuve pour nous toutes
Où se déposent sur une barque
Nos corps devenus cadavres
Privés de ce souffle
Qui pourtant jaillit souverain
Le jour de notre naissance ici-bas

Un cri
Alors
Un cri déchirant le deuxième hymen-mère
Cordon coupé
Téton gorgé du premier lait
Plus dense
Nectar
Comme un rappel du ciel

Puis la Traversée
De toute une existence
Et les doutes les joies les amours et les haines
La filiation parfois
Poursuivre dans d’autres corps
Ce que nous aurons été
Dans d’autres mémoires
Ce que nous aurons appris ressenti touché admiré

Et ce survol
Enfin
Alors que notre barque d’indien
Emporte cet amas d’os de chair de muscles et de sang
À l’arrêt

Nous sommes plus
Âmes reliées
Que la somme de tous ces instants
Nous sommes plus que la somme
De toutes ces solitudes

Aujourd’hui est jour d’adieu
Qui veut dire à bientôt
Dans un autre temps
Dans un autre lieu
Où tout se boit
Et où nul ne boit
Où tout nourrit
Et où nul ne mange

Un festin
Se prépare

Nous en serons toutes et tous
Distincts et pourtant unis

Aujourd’hui
Est le jour
Avant ce jour
Il se lève avec un cri
Qui ouvre le silence
Un cri doux

Le troisième hymen
Est celui de notre âme
Qui elle aussi se déplie

Naît alors
L’être véritable

8 avril 2020

Jan Baetens

nous te couvrons de larmes et de linges

pour bâtir ta demeure

un seul instant a suffi

les tiroirs ne sont pas vides

quand nous les regardons

les murs deviennent miroirs

les rues sont pleines de lignes

et de poèmes sans paroles

tu as compris l’incompréhensible

tu nous le dis

Serge Delaive : « Lacune » et « Pour la soif »

« Lacune »

 

Parler de rien de la poussière

de la lumière ultime silence

après la matière et l’espace

parler de rien de la poussière

chair du temps où elle se pose

et décompose tout les cendres

aussi mais les gens pourquoi

en parler affublés de poussière

à épousseter pour qu’elle descende

donner chair à la matière

à sa manière de toute manière

englober tout même la lumière

ultime saut avant le rien

dont on ne parle pas

à pas soulever la cendre

ou constatant les insectes

pousser la poussière.

 

« Pour la soif »

 

Et de l’espoir né au matin

d’une nuit qui n’a pas voulu de nous

espoir pourvu d’énergie

après trois heures après

ne demeurent qu’os blanchis

bien que derrière la fenêtre un jour

appelle enfin dans les confins

dont on va entendre parler

longtemps encore pas besoin

d’être devin mais cet espoir

né au matin insomnié

persiste en sa dilution

dans l’affliction des jours

que rêves cauchemars ou cyprine

fabriquent aux dés loin des augures.

Antoine Boute

Partir c’est habiter

radicalement partout

par exemple ventilé en

chromosomes épouvantails

rigueur affable mollusques

ministres torpeurs torrides

dérèglements météorologiques

divers mourir est une difficile

fête renversée diversement

pointue fragile

tangible

habiter le monde et décéder

sont sur le même bateau

depuis la nuit des temps

de bonne humeur et désespérés

des milliards d’atomes volètent

calamars d’étoiles et ricochets

jusque dans les bulbes les insectes

et les toiles absurdement tissées

de cette grande blague

parfois mille fois

pas drôle qu’est la vie

printemps bulbes déconfiture

de l’humaine graine nous voici

enflammés impuissants mais

d’humaines graines tout de même

d’humaines graines à la latence

vitale le monde est grand

quoique tout petit

comme tu nous quittes

c’est une école

douce violente

où nous tenterons

avec délicatesse

d’apprendre à lire

partout les traces

de la présence

de ton absence.

Peter Theuninck : « Les esquimaux »

Les Esquimaux n’ont ni passé ni futur.

La neige est leur palais et leur peau,

c’est un pays d’hivers et de frugalité,

plongé dans la clarté la plus obscure.

 

Les Esquimaux comprennent la gestuelle

des flocons qui tombent, chantent en chœur

le chant de la banquise,

peuplent l’espace du renard polaire.

 

Les Esquimaux cheminent sur l’eau.

Leurs traîneaux  tranchent une brèche

dans l’horizon. Leurs harpons harponnent

les trajectoires des planètes.

 

Les Esquimaux ne sont pas faits

pour la chair d’une femme,

pour le cœur flambant d’un foyer.

Les Esquimaux au printemps ne peuvent résister.

 

Traduction par Danielle Losman

Gedicht in het Nederlands