Timotéo Sergoï : « Les valises »
Celui qui part emporte avec lui de larges fenêtres étoilées
Celui qui reste garde les doigts sur la poignée
Celui qui part emporte la clef des miroirs, des forêts profondes et des océans bleus
Celui qui reste fouille les poches sous ses yeux
Celui qui part était extraordinaire
Celui qui reste prépare ses valises, visite le jardin, joue avec les enfants,
Il pose sur la table un prénom disparu
Et retourne aux cuisines, les mains lourdes de chair
Celui qui part a pris toutes les langues, les joues, le coeur et le soleil
Celui qui reste compte sur ses orteils
Celui qui part a remercié les anges, les infirmières reines de courage,
les médecins cernés sous les néons, le personnel soignant,
les soigneurs personnels
Celui qui reste doit le dire. Et remercier chacun d’être toujours vivant
Celui qui part sourit déjà. Sa souffrance se cicatrise
Celui qui reste l’a compris. Ca n’allège pas les valises.
Celui qui part a laissé sur l’établi quelques écrits, quelques photos,
Et le goût de ses baisers, la colline de ses mains, l’horizon de ses yeux
Celui qui reste les a rangés dans une boîte en ébène précieux
Voilà, se dit celui qui reste,
Un microbe a fermé le rideau lourd des orages et des printemps.
Un être plus petit qu’une puce a creusé les cimetières.
Nous resterons debout pour y planter de la lumière.