Pascal Leclercq

 

Reste la vie que j’avais cru si douce – et qui dans mon dos fourbissait ses armes. Reste la possibilité de partir, restent les devantures des magasins de luxe, devant lesquelles on reste pour rester. Reste le restant dû, qu’il faudra bien solder un jour ou l’autre, les amis qui resserrent les liens, qui ne lâchent rien mais qui restent impuissants, restent les mains, les pieds, les corps de nos enfants en devenir, restent les têtes bien faites, reste le souvenir des jours passés à s’étreindre, d’une peau qui frémit au premier soleil du matin, reste un son venu tout droit du désir de vivre, et le cœur qui s’emballe à la vue d’une nuque, ou de la silhouette aimée, restent les soirs passés à t’attendre la nuit, restent les nuits passées à t’attendre, restent les derniers jours, reste une envie aiguë, ou pas du tout aiguë, plus du tout affûtée, reste une faim qui s’aiguise en mangeant, restent les verres, les couverts, les assiettes et les tasses, reste tout ce qui reste et dont on ne veut pas, restent des torrents de colère et de tristesse, qui affluent alors qu’on ne les attend pas, reste le regret d’avoir regretté, le remord d’avoir remué, reste la déception de n’avoir pas été, reste ce qu’on veut oublier, ce qui ne se laisse pas oublier, alors que je reste avec toi, avec ce qu’il me reste de toi, alors que reste en moi ce qui de toi n’est plus.