Véronique Daine : « Deux arbres »
En hommage à Monsieur R.
Par la fenêtre, deux arbres.
L’un pousse de guingois.
L’autre offre ses branches.
Console.
Épaule.
Apaise.
Par la fenêtre, deux arbres.
Deux arbres enlacés dans une étreinte d’arbres.
Troncs mêlés, racines enchevêtrées.
Ce temps est un temps de racines.
Pour nous qui sommes séparés,
nous qui sommes meurtris par cette séparation,
plus que jamais peut-être,
c’est le temps des racines.
Racines qui viennent de l’amont
et poussent leurs attaches profond dans notre terreau.
Racines qui s’en vont vers l’aval,
s’en vont vers nos enfants
qui à leur tour les conduiront plus loin encore.
G. connaissait l’importance des racines.
Amoureux de jardin, il savait que sans elles,
toute semence meurt.
Il avait pour la vie qu’il confiait à la terre
les gestes d’amour et de tendresse
qui préparent les récoltes généreuses.
*
Par la fenêtre, deux arbres.
L’un vif, tout en tendresse de feuilles.
L’autre sec, déserté par la sève.
Pourtant, des deux, c’est lui, l’arbre mort,
qui épaule et console.
Et apaise.
Oui, c’est bien un temps de racines.
Un temps pour éprouver avec quelle force
ces attaches nous lient
vers l’amont
et vers l’aval.
C’est un temps pour apprendre des arbres.
Un temps pour savoir que, même ôtés à nos bras,
ceux qui meurent continuent d’offrir leurs branches.
Du jardin où désormais il soigne d’autres semences,
G. continue de conduire vers nous ses racines.
Pour nous épauler.
Nous consoler
Nous apaiser.
Encore et encore.
Véronique Daine