Pour Marie Louise Bastogne
Du plus profond de l’Ardenne,
là-bas
où les sapins défient l’hiver,
dans le ciel et dans le vent,
comme leurs grands frères canadiens,
là-bas
une voix parle de toi,
une voix se souvient de toi,
de ton sourire au matin d’un jour,
de ton sourire
même au plus noir des saisons.
Une voix dit ta patience,
ta chaleur,
cet élan de tout le corps
vers les têtes blondes, brunes ou rousses,
des enfants en fleurs, des enfants en pleurs.
Tu as tant donné et tant perdu,
répète la voix, là-bas,
au milieu des bois de l’Ardenne.
Du soleil plein la tête, tu as prié,
prié pour la vie, prié pour l’amour,
sans jamais baisser les bras,
sans jamais replier tes ailes d’oiseau libre.
Et tu as tant aimé,
les livres le savent,
ils le chantent aux fidèles de ta bibliothèque.
Cette femme, disent-ils, avait les mains de l’âme.
Qu’elle couse, cuisine ou brode,
son cœur battait au rythme des autres,
frères et sœurs du hasard,
amis de route et de rêve.
Du plus profond de l’Ardenne,
la voix du vent parle de toi,
quand ton regard courait sur le plateau
jusqu’aux sanglots de l’horizon.
Toi qu’il porte dans son souffle,
toi qui te glisses sur nos joues,
toi qui te pousses contre notre dos,
toi qui est là-bas,
dans la flamme tremblante d’une bougie,
toi qui nous dis dans la chaleur de cette flamme,
dans le jeu de sa lumière sur nos visages,
que rien ne s’arrête,
que la vie n’a d’autre limite que la vie,
que là-bas au fond du fond d’une Ardenne sans nuages,
d’une Ardenne au-delà des horizons,
ils sont tous présents, ton mari d’amour,
tes trois garçons chéris,
et ta maman, et tes sœurs,
avec leurs yeux pétillants et leurs bouches ensoleillées.
Ils sont tous là, tous !
C’est la voix qui le dit,
ta voix qui nous le dit,
rien ne se perd,
jamais,
rien ne sombre,
on se reverra,
c’est déjà demain, au détour d’un sapin
ou d’un chant d’oiseau
dans le matin d’un jour,
rien ne se perd, jamais,
on se retrouvera entre les arbres
d’une Ardenne aussi belle que la vie,
aussi grande que notre amour,
on se reverra dans l’Ardenne de ton cœur.
Claude Donnay – 8 décembre 2020