Hommage à Lawrence Ferlinghetti, par David Giannoni

Hommage au grand poète et éditeur de la Beat Generation Lawrence Ferlinghetti, décédé le 22 février 2021 à l’âge de 101 ans, écrit par le poète et éditeur David Giannoni qui l’a connu et publié dès 2004 chez maëlstrÖm (avec notamment ce livre qui devrait être dans toutes nos poches pour éclairer nos chemins : Poésie Art de l’Insurrection – traduit de l’américain par Marianne Costa -, éd. maelstrÖm reEvolution, 2012). – Carl Norac

 

Lorenzo

 

Il y a de ces regards qui ne s’oublient pas

Le tien était de ce bleu de la mer

Phare qui incendie l’aurore

Qui transperce sonde et accueille à la fois

Bodhisattva

Voilà le mot qui surgit en moi

Lors de nos échanges en silence

 

Souvenir de ta main sur ce verre de bière belge

À Florence chez notre commun ami

Grand frère d’âme pour moi

Fils d’adoption pour toi

Qui nous avait liés

Les vrais amis comme le bon vin

Cela se partage

En sa ville il avait créé

La sœur jumelle de la tienne à Frisco

Librairie et édition pour porter loin

La voix des poètes

Beat beat beat Hourra !

Pour éclairer de Lumières l’antre de la bête

Howl crie encore

Et Allen, Neal, Gary, Gregory, John, Jack, Amir, Anne, Diane, Nancy…

 

Comment se fait-il que ton verbe ne séduise plus France ?

Te demandai-je sur le chemin de cette pizzeria génoise

Quelques heures à peine

Après avoir lâché sur la ville blessée

50 et mille poèmes dans les airs

 

Je me le demande aussi

Fut ta première réponse

Puis se bâtit en trois tours de paroles

Le plus beau des contrats

Pour que ta poésie de nouveau s’envole dans cette langue de Prévert

Que tu aimais tant

Langue de ta mère

Comme ton prénom

Que tu signais dans tes mails

Dans l’italien de ton père

Lorenzo

Le même que celui du mien

 

Puis le voyage

Puis ce restaurant où nous demandions

Au moment de la note

Au gentil garçon

Qu’est-ce que la poésie pour toi ?

Et lui de répondre

Sérieux et profond :

C’est l’une des choses les plus importantes dans la vie

 

Puis l’océan et tout un continent

À nous séparer entre nos rencontres

Et la poésie les livres l’inéluctable action

À nous rapprocher

Ainsi que cette autre voix

Cette femme longue et belle

À translater de ta bouche à la sienne

Ce que tu veux réellement nous dire

Sans te l’expliquer

 

Les années nous menèrent au seuil du siècle

Tu le franchis avec joie et détachement à la fois

Tous autour de toi à fêter

Et loin en Europe

Et partout à crier tes mots

À honorer le Little boy que tu demeurais

 

Après 100

101

Et…

 

Le Verseau ne se mue pas en Poisson

Pas en bélier

Cette année

 

101

 

Chiffre âge destinée

Miroir

 

1

0

1

 

Tu passes la frontière

Comme le poème que ta vie ici

Trace encore en nous

 

Cela est immortel

 

Héros devenu mythe

En un éclair instant

 

Nous t’entendons encore en te disant

Tu parles à travers les flammes de l’Insurrection permanente

 

Speak out

Prenez la parole

Telle était ton incantation

 

La voici cette parole

Distance la plus courte entre nous

 

Cette voix elle dit…

 

La poésie c’est une vision brillante qui s’assombrit, une vision assombrie qui s’illumine.

Un poème devrait s’élever dans l’extase, quelque part entre parole et chant.

Un vrai poème peut créer un calme divin dans le monde.

La poésie existe parce que certains tentent de mettre les fleurs en prison.

La poésie ne vaut rien et par conséquent elle n’a pas de prix.

La poésie est le parfum de la résistance.

Poésie : le sous-vêtement de l’âme.

Tout enfant qui peut capturer une luciole possède la poésie.