Eric Brogniet : « Rose noire »

 

La rose ouvre la rose
En son mêler intime
Car le blanc et le noir
En leur chemin

Sont complémentaires
Et dessinent la voie du vide parfait
Où chacune déplie l’autre
En son pétale

 

Entre l’aube et sa rosée qui pleure
En ce crépuscule où luit la voie lactée
Et l’opalescence
Où l’infini prend source

La rose est dans la rose
Et la rose est illimitée
En chaque frisson qui l’éblouit
Sous cette lumière qu’on appelle la vie

 

Qui es-tu, rose en ce mois de mai
Resplendissant de toutes tes blancheurs
Jeunes pétales en avalanche
Sous des ciels encore changeants

Cœur serré qui veut éclore
Et se dénouer
Au toucher d’un cœur complémentaire

Que la brise légère en son toucher
Agite sur sa tige
Et qui surgit des pierres
Bordant un chemin qui n’existe pas ?

Qui es-tu, rose en ce mois de mai
Sinon l’éclair entr’aperçu
Et sitôt disparu ?

 

Le jour est lumineux comme une source
Et c’est blancheur partout aux branches
Où la rose à peine éclose se ressource

Mais pourquoi donc tremble-t-elle
Jusqu’en son cœur
D’un froid tout à coup assassin

Quel fragile bonheur
Faut-il donc en cet instant
Tuer

Dans le cristal figé
Où neige encor
La promesse d’un éternel été ?

Rose noire
Rose de personne
Puisqu’avançant la main
En cet air sombre

Nulle trace n’est à demeure
Et qu’écrire est la trace
D’une trace perdue

Et que la rose n’est pas l’image
De la rose ou du monde
Ou du ciel ou de la terre

Mais la présence de ce qui s’efface
Et brûle le monde
Et le ciel, la terre et la rose elle-même…