Poste restante

Les institutions belges comme les chemins de fer et la poste ne pouvaient naturellement pas rater la route du Poète National. La mission de Charles Ducal touchant à sa fin, sa remplaçante, Laurence Vielle, prend le train en marche et longe les voies postales à ses côtés…
Charles Ducal et Laurence Vielle nous offrent un poème un peu spécial… Spécial parce qu’il s’agit d’un poème à deux voix mais aussi et surtout, parce que ce texte, intitulé « Poste restante », est publié en avant-goût de la prochaine collection de timbres de bpost. Fraichement sélectionné par l’entreprise bpost elle-même, ce nouveau catalogue 2016 comprend une magnifique pièce illustrant le poète flamand d’expression française Émile Verhaeren (élu lui-même Poète National belge par le Roi Albert Ier en personne). Réalisé par l’artiste GAL, le dessin repris sur ce timbre représente un portrait du poète dont les traits ont été réalisés par l’un de ses poèmes.

 Poste restante

 

Quelqu’un dans une ville étrangère attend

au bureau de poste une lettre,

des années déjà, mais le temps n’existe pas.

Quelqu’un dans une ville étrangère attend

 

une chose tendre, sachant qu’à la maison,

dans un présent intemporel, quelqu’un

amorce une trace d’encre qui là-bas

déjà chante dans l’œil qui l’espère.

 

Ainsi écrivent-ils ensemble une lettre,

qui viendra, c’est certain, aujourd’hui encore,

et puis chaque jour pareil. Peut-être glisse-t-elle

en ce moment dans la boîte, à peine terminée,

 

le timbre posé dessus comme un baiser.

 

Peut-être ne viendra-t-elle jamais.

 

 

Charles Ducal – Traduction du néerlandais par le Collectif des Traducteurs de Passa Porta




 

Il y a dans un home

d’une rue de Flandre

les lèvres fanées d’Hélène

103 ans cette année

je ne vais pas la voir

une fois par an

elle dépose un baiser

sur une enveloppe blanche

bonne fête elle me dit

fidèle comme la vie

tous les facteurs de Flandre

connaissent son écriture

claire et précise

plume

tous les postiers du monde

reçoivent son baiser

écume

tissé au timbre et à ses doigts plissés

vieil oiseau aux ailes de papier

traverse mon enfance

ce timbre-ci Hélène

oh comme je le désire

sous mes lèvres à tes doigts

sous tes lèvres à chez moi

pour un baiser encore.

 

 

Laurence Vielle