10ième poème d’Els Moors en tant que Poète Nationale

À la fin du mois d’août, notre Poète Nationale, Els Moors, a séjourné à la Letterie, à Ostende. Elle y a côtoyé quelques écrivains, « échoués » sur la côte belge le temps d’une résidence, ainsi que son successeur, Carl Norac. Carl, fraichement installé à Ostende, leur a proposé ses premières impressions de la ville balnéaire en photos et celles-ci ont inspiré les écrivains résidents. Ce séjour a donné lieu à un « Gesamtkunstwerk », une œuvre d’art totale, en allemand. Ce nouveau poème, « Leçon de vol » en fait partie.

 

Leçon de vol

 

voici la rumeur de la mer mais dans cette ville
en mémoire des vagues qui échouent sur la plage
résonne toujours d’abord le chant rond des mouettes
allant d’un sifflement affolé sur

 

un vent invisible battant la mesure
jusqu’à l’absorption ou l’expulsion momentanée
de vagues notes aiguës refusant bec et ongles
tout accord ces cris

 

irréguliers entonnés d’aigu en grave
comme un soufflet imitant ainsi
les braillements du vent ont l’intention
de prévenir ou d’informer le passant

 

songeur et réfléchi par nature
du fait qu’il se trouve
à l’orée d’un domaine maritime
aux confins lointains

 

les mouettes sont les gardiens blancs de ce
domaine elles paradent omnipotentes et pieds nus
sur des frontières qu’elles seules maîtrisent
et contrôlent en s’envolant

 

et en se posant dans des couleurs claires
pures et d’un regard sans ambiguïté
je vis ainsi un matin un groupe de
cent mouettes sur la plage

 

immobiles et silencieuses juste là où dans leur pâleur matinale
les moutons d’écume tentaient un instant
en un fracas périlleux de s’accrocher l’un à l’autre puis
s’abattaient dans le sable si bien que les mouettes

 

de mon point de mire semblaient avoir succombé à tant de violence
muettes tenant bon dans ce poitrail inerte on aurait cru
des statues il fallut le passage d’un promeneur pour qu’elles
s’envolent se déploient de nouveau sur quelques mètres à peine

 

et elles reprirent place ne volant jamais
plus haut que nécessaire et cette fois poussant
à peine un cri et se taisant unanimes
je le sais après ce bref bain de soleil elles planeront

 

aussi bien bruyantes et à grands battements d’ailes en
un clin d’œil vers d’autres latitudes
sans réellement bouger et
elles se seront vues tomber de haut

 

sans se blesser les raz-de-marée
ne les auront guère emportées
bien loin vois la mouette qui
en battant des ailes demeure là haut

 

où l’air manque et vois l’air mouvant
au-dessus de chaque mer qui gonfle les voiles bombées
qui pousse sans peine des navires aux cales pleines
quiconque paré d’ailes assez grandes et bien

 

arrimées aura donc un jour
appris à vaincre
la résistance à conquérir
et dominer l’air et ainsi à prendre de la

 

hauteur

 

 

Traduction : Pierre Geron du Collectif des traducteurs bruxellois

Avec le soutien de la Loterie Nationale et de ses joueurs.

Avec le soutien de l’Accord de Coopération culturelle entre la Communauté Flamande et la Communauté française