Poème écrit dans le cadre du projet « Fleurs de funérailles/Gedichtenkrans » initié par Carl Norac et coordonné par les partenaires du projet Poète national (nous vous invitons à découvrir le projet et les poèmes).
Poème écrit dans le cadre du projet « Fleurs de funérailles/Gedichtenkrans » initié par Carl Norac et coordonné par les partenaires du projet Poète national (nous vous invitons à découvrir le projet et les poèmes).
Pour les parents de F.
Chaque seconde, chaque souffle est une victoire
Qu’on ne mesure pas
Chaque clin d’œil
Un ange comète passe
S’achève la trajectoire
D’une vie légère
À porter
Une vie
Cachée dans l’éternité
La perfection d’un espoir
Qui décide qui peut vivre ?
Chacun.e donne tant de secondes
Chaque jour élastique
Charge pour des mois et des années
Chacun.e pressé.e de vivre
D’accumuler
Des étapes dans les bouches
Une naissance
Et l’amour possible
La vie prénommée
Aimer
Chacun des jours ensemble
Une unique aventure
Aimer
Toutes les secondes illimitées
Aimer celui qui vient
Aimer celui qui part
Et dans l’intervalle accordé
S’assurer
Qu’il ne sera pas oublié
Il y a des rencontres éphémères
Des vies à longue-vue
Des vies microscopes
Cadeaux trop vite disparus
Douleur trop vite apparue
Quelque chose d’inaudible
À dire
Chercher des mots
Les yeux fermés
Des mots pour embaumer
Une comète précieuse qu’il faut apprendre
À laisser repartir
Alors qu’elle venait juste
D’arriver.
Pour Hélène
Marcel, tu es le fils de Dionysos.
Tes livres emportent, comme dit Nietzsche,
« au-delà de tous les livres ».
Tu es soulevé, soûlé. L’instinct chez toi
est devenu rythme. C’est ta vocation.
Tu es voué aux mots qui dansent.
Ton Verbe libère de la grammaire,
de tous les bons usages.
Une respiration plus large ouvre ton corps
à une messe d’amour.
Tu célèbres le Sacre de la femme,
de l’infante roumaine,
de la reine de la nuit de chair.
Tu affoles les sens,
tu ouvres le sens à l’insensé.
Tu dévores tout ce que tu vois,
entend, goûte, sent.
Tu fais de la vie une fête
pour nous pousser à quitter
tout ce qui rapetisse et dénature la nature.
Tu invites à une Cène,
où coulera le vin sans mesure.
Tu reçois tes amis, que tu régales d’une daube
que tu as préparée toute la journée.
Tu es un ogre doux.
J’entends ton rire à ces mots.
ta vois éraillée dans la fumée de ton cigarillo.
Demain,tu te lèveras de grand matin
pour écrire en escaladant la page
pour aller au – delà de toi.
C’est ta fruition ordinaire
( ce mot trouvé dans le vieux dictionnaire Furetière)
dont tu as fait ta morale des épicentres.
Je t’ai rencontré un jour avec Julie ou la dissolution,
à la presque moitié se ma vie.
J’ai donné à ma fille ce prénom : Julie.
Tu es devenu son parrain
Toujours plus, tu vois, de ma famille.
Tu es le plus vivant des vivants.
Je t’aime.
Un poème d’Yves Namur pour Salah Stétié, immense poète libanais d’expression française connu dans le monde entier et décédé à Paris le 19 mai 2020. Nous savions l’amitié d’Yves Namur pour ce poète et nous le remercions d’avoir accepté d’écrire ce magnifique Tombeau.
À la mémoire de Salah Stétié
I
Et je te vois :
Tu marches
Sur nos paupières, sur nos vies
Qui s’épuisent à compter les mots
Oubliés au fond du puits,
Sur la neige que tu avais semée
Avec le blé des amants effacés
Et même sur un nuage de roses
Que tes abeilles se disputent encore.
II
Je te vois,
Toi que l’ange à l’épée longue
Poursuit pour de nouvelles fiançailles
Avec la fraîcheur et le temps
Insaisissable qui habite la rosée
Et les larmes d’un poème, celui
Qu’on écrit sous la lampe des tristesses.
Toi qui viens à ma rencontre
Parce qu’il te faut partir avec la robe
Ôtée de la colombe et tes mendiants
De pluie ou de perles amoureuses.
CODA
Tu me tends la main
‒ Comme tu le faisais sous le toit
Des dormants et des pleureuses
Penchées sur l’or et le silence ‒,
Et tu me dis :
Regarde, l’éternité
Est peut-être là qui marche sur nos mains
Ouvertes comme les livres
Et leurs infinies fabriques du bleu.
(22 mai 2020)
Écrit pour C., ce jeudi 14 mai.
Ton courage tu le portes
comme les mains soudées à ton guidon
sans jamais rompre
l’attention ni la vigilance
ni le cœur qui va
avec
Tu luttes chaque jour
pour un rien de patience
que tu offres
comme une fleur à la joie
des tiens
Tu te hisses haut
et tes mains joignent
le temps et l’amour
ce bonheur en partage
que vous vivez ainsi
sans en perdre une goutte
Parfois un peu de temps
perle aux lèvres
comme une sève de vie
qu’on protège du doigt
et qui conserve intacte
votre belle lumière d’
ensemble
Quand l’âge vous résout à vivre
Une vie en lieu partagé,
Le sort jamais ne vous délivre
Un passe pour l’éternité.
Le jour où la vague se brise,
Départ, douleur ne font plus qu’un,
Le temps que le cœur s’autorise,
Au seuil des lendemains,
Par-delà les vents, les embruns
Et à l’issue des convenances,
À préserver la souvenance
De ce qui engendra l’hier.
La lampe qui s’éteint
A la satisfaction d’avoir été lumière.
« Dans le cadre de l’action « Fleurs de funérailles », les échanges que j’ai eus avec la famille mettaient en lumière la sensation que les morts sont aujourd’hui des chiffres. Paradoxalement, alors qu’on n’a jamais autant parlé d’une maladie,qu’elle occupe toutes les pensées et les médias, celles et ceux qui en sont victimes semblent rendus plus anonymes, une statistique chassant celle de la veille. »
Ce chemin-là
Sur ce chemin-là, les morts sont devenus des chiffres.
Tu as appris la biologie, les lois du monde le plus immédiat.
Tu connais même des mots obscurs et anciens pour parler du soleil.
Cependant, tu ne vois plus ces morts qui échappent à notre regard.
Alors, comme un sursaut en ton confinement,
tes pensées vont leur propre sentier, libres,
tu aspires à ce que se dessine au moins un visage,
une main peut-être fermée, mais avec des lignes franches.
Est-il encore humain l’homme-chiffre, droit comme un 1,
2 pour tomber moins vide ensemble, courbé comme 3,
assis en 4, fuyant en 5, cœur à l’envers 6,
puis 7 rigide, en 8 pour une dernière danse,
redressé fier en 9 avant de tomber ?
Peut-on encore lui rappeler avant qu’il ne repose
la chanson désobéissante de son enfance ?
Ou lui dire comme ça, sur ce chemin-là :
« Tu as combattu quelques invisibles, ri, aimé, persiflé,
envoyé promener, conclu, protesté, désarmé,
tu as heureusement fait des folies de ton sort,
tu t’es trompé, tu as donné raison ou tort,
tes pas t’ont emmené parfois derrière le temps.
Alors Amie, Ami, même illusoires, si éphémères,
que ces quelques lignes t’enlèvent un instant
de la misère des ombres et des nombres.
Ici n’est pas litanie, ni fol espoir,
mais que la nuit te soit douce
comme une aube arrivée un peu tard :
qui que tu sois, qu’on t’aie tenu ou pas la main,
tu deviens plus que jamais ce chemin.
Nous allons sans savoir, obscurcis et chancelants. Ta main ne soutient plus la nôtre et ta voix est si basse que nous ne l’entendons plus. Nous interrogeons les murs et les nuages. A qui adresser les reproches, les insultes qui nous échappent : pourquoi elle ? Pourquoi si tôt ? Et nous ? Et moi ?
Nous nous cognons aux questions sans interlocuteur. Nous marchons cependant, comme elle avançait. On a parlé d’une lueur, d’une clarté, le troisième jour.
L’espérance est chevillée à la douleur.
De P. à L.
Ô mon frère !
Haut, mon frère,
dans mon cœur en misère
Un azur noir et bas
S’abat sur moi
Tissé de cordes et soies
Ciel brodé de souvenirs
Je tire sur un fil et il pleut des sourires
Ma mémoire de sœur ne te laissera pas partir
Mon frère, tu ne vieilliras pas
Tu reviens déjà
Te voilà enfant, riant aux éclats
Et puis adolescent
Course à travers champs
Par-dessus les ornières, nez au vent
Devenu homme fier
Electrifié par la mer
Sur le pont, tout autour de la terre
Et à tes retours de voyage
Tatoué sur ton visage
De l’amour en haut-voltage
Mon frère, si loin, si près,
Tu aimais comme tu respirais
Aux petits soins, bonté sans filet
Sans cesse, tu allais et venais
Ton dos portait
Comme cent soleils, tes yeux riaient
Puis un virus minuscule, tout petit
Surgi au milieu des myosotis
Est venu te cueillir à Paris
C’est fini, tu ne respires plus
Toi, et des milliers de disparus
Tant de chagrins mis à nu
Mais au creux des malheurs
Bourgeonnent à toute heure
Des vers, des chants et des fleurs
Une initiative du Soir et du Poète National
Index :
Maya Racha lit Taha Adnan : lire le texte (+ accès vidéo)
Manuela Sanchez lit Eric Brognet : lire le texte (+ accès vidéo)
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Almamy Barry lit Véronique Daine : lire le texte (+ accès vidéo)
Antoine Cogniaux lit Aurélien Dony : lire le texte (+ accès vidéo)
Thierry Hellin lit Charles Ducal : lire le texte (+ accès vidéo)
Babetida Sadjo lit Aliette Griz : lire le texte (+ accès vidéo)
Benoît Verhaert lit Gioia Kayaga : lire le texte (+ accès vidéo)
Thierry Hellin lit Corinne Hoex : lire le texte (+ accès vidéo)
Isabelle De Hertogh lit Caroline Lamarche : lire le texte (+ accès vidéo)
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Fabrizio Rongione lit Lisette Lombé : lire le texte (+ accès vidéo)
Jean Luc Piraux lit Veronika Mabardi : lire le texte (+ accès vidéo)
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Françoise Gillard lit Yves Namur : lire le texte (+ accès vidéo)
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Marie Paule Kumps lit Milady Renoir : lire le texte (+ accès vidéo)
Bernard Yerlès lit Timotéo Sergoï : lire le texte (+vidéo)
Adia Panteleeff lit Peter Theunynck : lire le texte (+ accès vidéo)
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Hélène de Saint-Père lit Anne Versailles : lire le texte (+ accès vidéo)
Benoît Verhaert lit Laurence Vielle : lire le texte (+ accès vidéo)
Eliot Jenicot lit Jean-Pierre Verheggen : lire le texte (+ accès vidéo)
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Une initiative du Soir.
Avec le soutien de la Loterie Nationale et ses joueurs.