Bon vent
Ce n’est pas un adieu
C’est-à-dire pour qui aime
Avec son corps
Mustafa Kör
Traduction : Pierre Geron
Bon vent
Ce n’est pas un adieu
C’est-à-dire pour qui aime
Avec son corps
Mustafa Kör
Traduction : Pierre Geron
Grands enfants
Tu te réveilles et tu vois un monde déchiré
Aussitôt tu deviens une grande personne
Qui doit retenir ses larmes pour des parents
Tu veux bercer la terre la rendormir
Dire que tout s’arrangera
Comme le promettaient les affiches sur tes murs
L’enfance c’était attendre et subir
Mais aujourd’hui tu as le premier choix
Dans la sélection d’un avenir
Tiré du bac à balles que je t’ai apporté
Pour qu’un moment encore tu restes un simple enfant
Inventeur du rire généreux
Mustafa Kör
Traduction : Katelijne De Vuyst, avec Danielle Losman et Pierre Geron
tuessibellesibelle oh tu es si belle tu es la plus bellet
u as des yeux à s’y perdre de si beaux yeux je nai ja
mais ils brillent de mille feux et tes lèvres leur mervei
lleuseforme sublime roseprofond lèvreslumineuses v
raiment uniques qui invitent aux baisers et tes mains
et tes doigts dieu comme tracés au pinceau gracieux
et fuselés comme des vignes au soleil àsaluer avecr
évérence ton rire désarmant rire éclatant qui chasse
les soucis et invite à rester près detoi àte rejoindrese
montrergénéreux commetoi latendre laplustendredou
ce et bellebellepersonne adorée depuistoujours jet
aime
Mustafa Kör
Traduction : Katelijne De Vuyst, avec Danielle Losman et Pierre Geron
Sans gêne
Je suis un étrange enfant qui
échoué des quatre coins du monde
parle l’abc du shaman
Frontière ni drapeau ne me sont étrangers
je connais les confins de Matin et Soir
où j’arrive s’ouvrent des yeux et des oreilles
Je castagne des sévillanes débite des mots sur scène
et chante des refrains que tu veux comprendre
quand tu te décides à vraiment les écouter
Mais mon accent mi ! là. si. da. nee, frère
a déplacé l’ ان شاء الله d’autant de bornes
qu’il pouvait bâillonner de bouches radoteuses
Bah, je ne suis qu’un étrange enfant
doté d’un étrange langage que je dois gesticuler et
signer en panaches de fumée pour être entendu
On m’a appris que chaque langue est un humain
et plus tu parles de langues
plus tu deviens un humain
Mustafa Kör
Traduction : Katelijne De Vuyst, avec Danielle Losman et Pierre Geron
Le dernier Noir
Il faut du courage pour encore être un arbre
Même toi tu l’admettras
Ton destin a beau être devenu bourgeonnant chagrin
Tu caresses encore l’espoir d’une éclosion ancestrale
Le chant du cygne des noirs
Seul avec mon ombre qui s’allonge et s’amenuise
où jadis se réfugia un monde
de légionnaires et de jeunes vandales
Quel sera votre sort
entre montagnes de béton
sans oiseau ni loup
Je suis un vieil arbre
dont les jours sont comptés
Je tremble encore un instant
Avant de partir
je sème à tout vent mon courage
telle une prière sur la verte terre de Dieu
Mustafa Kör
Traduction : Katelijne De Vuyst, avec Danielle Losman et Pierre Geron
Femmes de la mine
Elles ont cédé aux puits
les plus profonds
leurs maris et leurs fils
Fouiller au cœur de l’obscurité
où gisent de préhistoriques colosses
Y descendre, c’est une chose
en ressortir sain et sauf, c’est autre chose
Appel ou chant des sirènes
Quelque chose les a ensorcelés
L’or de la terre reposerait là enclavé
dans la pierre et l’infinie poussière
Ils y taillaient leur pain noir pour finir
toussant saignant s’effritant
Mais un cœur de femme le sait bien
Pour celles qui ont donné la vie
rien n’est pire que d’attendre
Dans le monde ouvrier on accouche
des héros du pain quotidien car quelqu’un
doit braver l’obscurité et le danger
Entre des mains et des poumons meurtris
ils ramènent chez eux leur lumière
pour en inonder la table où l’on mange
Mustafa Kör
Traduction : Katelijne De Vuyst, avec Danielle Losman et Pierre Geron
Peur du passage
Au revoir
Ceci est un adieu d’amertume
Un voyageur est bien obligé d’être en chemin
Sain et sauf
Allant et venant entre
Bien aimés
Une ville bourdonnante
Bonne. Route
Bon vent. Vers où ?
Ceci n’est pas un voyage, pas pour mon espèce
Spastique, mongole, sénile
Les obstacles, on les franchit lorsqu’ils se présentent
Qu’en est-il des dos d’âne ? Et des pieds de plomb ?
La quête quotidienne sur les rails et l’asphalte
Arbitraire rageur face auquel nul seigneur ne se lève
mais s’incline comme il se doit
Le calvaire du voyageur d’un jour
L’itinéraire des paralytiques et des aveugles
Je ne craindrai plus rien
si tout le monde s’énerve de notre attitude vis-à-vis
des infirmes et les arrêts dans les salles d’attente et les gares
Valides ou estropiés
Pourquoi partir, si d’office, nous nous échouerons ?
S’échouer. Se planter. S’enliser
Suffit de quelques pouces d’eau
Nous voulons la mer
Mustafa Kör
Traduction : Katelijne De Vuyst, avec Danielle Losman et Pierre Geron
Tombent les feuilles
Pour cet adieu prématuré
tout sonne faux
chant du coq, choeurs d’enfants, mon coeur battant
Tu avais une fenêtre
qui donnait sur les toits
et les champs d’un village de Flandre
par temps clair les crêtes de la capitale
Tu voulais exister
as pendu ton manteau dans un lieu lointain
inconnu de tous
Quelle importance alors
que règne la paix
ou que la récolte soit bonne
Souvenirs de
tout y porte le parfum d’une
chose fleurie avec l’automne dedans
Les chats des rues
la fille d’en face
chacun connaît ton nom
et l’histoire de ton cri devenu soupir
tu es ici
frère, ami, voisin, enfant de tous
Telle des feuilles tombées en mai
ton odeur descend sur villages et champs
prématurément
Mustafa Kör
Traduction: Pierre Geron en collaboration avec Katelijne De Vuyst et Danielle Losman
vers vous
levez la tête hors de cette heure sombre
bientôt notre voie sera libre et notre pas à nouveau léger
entretemps nous parcourons des lieux où nous revigorent
des pains épargnés d’autres bouches
à présent nous allons nous
offrir des mots sans les posséder
des mots vifs lestes qui nous
des pensées aérées éclairées qui vous
font ployer pour ouvrir avec des vers
encore plus droits plus baroques les coeurs
les pièces et les frontières où nous rêvassons jusqu’au moment où
le mortel se décompose et allant
vers vous adopte une voix lavée
levez la tête
monarques et suiveurs ne pèsent pas lourd
nous sommes déjà la terre vers laquelle nous partons
nous saurons domestiquer aussi cette nouvelle vie
car nous sommes des paysans patients
qui se récoltent sillon après sillon
Mustafa Kör
Traduction: Pierre Geron en collaboration avec Katelijne De Vuyst et Danielle Losman
LE CODE JAUNE
On nous dit qu’enfin nous allons retourner vers le monde.
Comme si l’existence répondait au seul code de la couleur.
Orangées, jaunies, rosacées, nos vies traînent
toujours leurs guêtres et quelques dimanches.
Il nous demeure les serments d’amour
dont le papier se plie ou se froisse parfois trop facilement.
Pour fugue, nous hissons paupières, voiles, nerfs, tendons,
arceaux, faisceaux vers un ciel toujours trop perché.
Nous nous excusons de notre peu de révolte
devant un caillou, un calicot oublié, ou face à la mer.
De race humaine, prétendus solides animaux,
nous courons alors par moments à notre perte,
les bras levés pour mimer à nouveau
le goût très ancien de la victoire,
tel ce temps où, enfants, nous paradions
devant l’immensité de la parole,
pour le seul orgueil joyeux des cris.
Mais soudain, nous ne laissons plus de côté
les instants qui demandent à ne pas finir,
ceux que l’on écartait, à défaut de tenir
une main dans notre main, une nuit entre les ongles.
Oui, malgré tout ce qui précède, nous y allons,
passants parfois poètes sans suffisance.
Nous bougeons nos existences
qui ressemblent à des meubles trop lourds.
Nous tentons d’écharper nos peurs,
celle du rouge qui saigne à l’est,
déborde d’une guerre où l’homme
est encore un loup pour l’homme.
En nos paysages, nous ne prétendons pas au bleu absolu,
qu’un horizon ponctuerait d’un seul nuage
plus ou moins balancé.
Nous sommes sur le seuil où le voyage s’instille,
où le réel pourtant, son actualité,
nous inspirent des mots jamais proprets, ni définitifs.
Nous n’attendrons plus un matin clair, amies, amis,
ni un avenir rose, ni même l’éloge du gris.
Quoique le soleil en dise,
en nos vies incommodes, sans plus de retard,
nous sommes debout devant vous,
sans notre ombre, maintenant et ici.
Au premier regard, vous nous verrez encore,
passants et poètes, sortir un à un des codes
comme on quitte un brouillard.