LE CODE JAUNE
On nous dit qu’enfin nous allons retourner vers le monde.
Comme si l’existence répondait au seul code de la couleur.
Orangées, jaunies, rosacées, nos vies traînent
toujours leurs guêtres et quelques dimanches.
Il nous demeure les serments d’amour
dont le papier se plie ou se froisse parfois trop facilement.
Pour fugue, nous hissons paupières, voiles, nerfs, tendons,
arceaux, faisceaux vers un ciel toujours trop perché.
Nous nous excusons de notre peu de révolte
devant un caillou, un calicot oublié, ou face à la mer.
De race humaine, prétendus solides animaux,
nous courons alors par moments à notre perte,
les bras levés pour mimer à nouveau
le goût très ancien de la victoire,
tel ce temps où, enfants, nous paradions
devant l’immensité de la parole,
pour le seul orgueil joyeux des cris.
Mais soudain, nous ne laissons plus de côté
les instants qui demandent à ne pas finir,
ceux que l’on écartait, à défaut de tenir
une main dans notre main, une nuit entre les ongles.
Oui, malgré tout ce qui précède, nous y allons,
passants parfois poètes sans suffisance.
Nous bougeons nos existences
qui ressemblent à des meubles trop lourds.
Nous tentons d’écharper nos peurs,
celle du rouge qui saigne à l’est,
déborde d’une guerre où l’homme
est encore un loup pour l’homme.
En nos paysages, nous ne prétendons pas au bleu absolu,
qu’un horizon ponctuerait d’un seul nuage
plus ou moins balancé.
Nous sommes sur le seuil où le voyage s’instille,
où le réel pourtant, son actualité,
nous inspirent des mots jamais proprets, ni définitifs.
Nous n’attendrons plus un matin clair, amies, amis,
ni un avenir rose, ni même l’éloge du gris.
Quoique le soleil en dise,
en nos vies incommodes, sans plus de retard,
nous sommes debout devant vous,
sans notre ombre, maintenant et ici.
Au premier regard, vous nous verrez encore,
passants et poètes, sortir un à un des codes
comme on quitte un brouillard.